Alone Together
Choi Min-Sik c'est un gars sympa.
Un gars comme ça. Là je lève mes pouces derrière mon écran, mais tu peux pas le voir donc c'est un peu vain.
C'est ce genre d'acteur pas prise de tête, abordable et sympathique, juste heureux de faire ce qu'il fait, de faire rire, d'incarner, de devenir un autre et de se pencher sur la vie, un instant. Ce genre de type qui passe d'un média à un autre, d'un moyen d'expression à un autre. Entre théâtre au cinéma il balance tant les deux métiers sont pour lui aussi dissemblables que complémentaires.
Choi Min-Sik c'est ce genre d'acteur qui choisit avec beaucoup de soin ses rôles, un par an, rarement plus. Le genre de type qui veut un truc qui le pénètre, le possède, le botte, le transcende, l'habite.
Un truc qui lui offre un défi particulier, parce que c'est un battant le gars, toujours à la recherche du rôle pour se dépasser. Souvent des rôles de solitaires, de marginaux parfois, des gars pas comme les autres qui lui ressemblent peut-être un peu, inconsciemment.
Lui dit que non, mais qui sait ?
Choi Min-Sik c'est ma révélation, mon Bouddha coréen, le type que je trouve habité à chaque bobine que je vois sa trogne.
Ce genre de gars qui l'instant d'avant joue la pire larve, l'instant d'après le plus beau des princes, puis le plus fou des peintres, et à chaque coup je me dis un truc comme "qui mieux que lui pour incarner ce personnage ?"
Choi Min-Sik c'est mon caviar de comédien, mon pinacle coréen, mon Everest, la quintessence du regard profond qui veut tout dire, l'empereur de la mimique parfaite.
Et sur un plateau, ce type c'est une crème, toujours le mot pour rire, il veut avant tout parler avec le réalisateur pour qu'ensemble ils trouvent l'angle pour aborder le personnage et le travailler.
Toujours la clope au bec et la déconne, l’œil rieur, il s'abat quand même une pelletée de travail le bonhomme. Tiens, pour Springtime par exemple, il a appris trompette.
T'en bouche un coin, hein ?
Bon de temps en temps il fait le con, il souffle un coup la musique du Parrain, s’essouffle en bout de course, ça fait marrer.
Pourquoi je te parle que de Choi Min-sik depuis tout à l'heure, je te devine interrogatif.
Le sentiment d'avoir été arnaqué, non ?
C'est pas une critique sur l'acteur, c'est ce que tu veux me dire !
Non, mais j'avais envie de déclamer mon amour tout platonique pour le type, surtout que le film il fait la même que moi.
Choi, choi, choi au centre de l'action, il est LE personnage central, celui qui bouffe l'écran et la caméra ne voit que lui.
Au centre de tout, tout repose sur lui. Et comme lui, il est grand, il te fait un truc léché. Jusque dans ses mouvements de baguette et de tête, maître d'orchestre impeccable.
Alors quoi, six, seulement !?
Et bien mon bonhomme, s'il y avait pas mon bon vieux Choi, c'était un point de moins, voire deux. Parce que n'est pas Dead Poet Society qui veut. Parce qu'il ne faut pas oublier que l'histoire d'un professeur est aussi celle de ses élèves, qu'il faut plus développer. Parce que le petit jeune dont s'éprend ce professeur de musique, ben... il est un petit peu pas très bon, comme acteur. Honnêtement.
Parce que l'histoire m'avait franchement fait espérer bien plus. Le synopsis me promettait un grand film avec force émotion, force constatations désabusées sur la société et sur le statut des musiciens. Force humour aussi, je voyais beaucoup de comique burlesque à la coréenne pour nous montrer toute la période de méfiance puis d'apprivoisement mutuel entre l'adulte et les enfants.
Parce que je voyais une envolée quasiment épique vers un concours qui permet aux gamins de se dépasser.
Parce que je voyais des thématiques sociales puissantes, la condition de ces mineurs - parce que oui, on est dans une ville ouvrière où la mine c'est la vie - et leurs réticences quant aux activités musicales de leurs gosses.
Parce que je voyais un type un peu brisé par la vie, désabusé, qui se reconstruit au contact des gamins.
Et qu'au lieu de ça, j'ai eu un bête drama-coréen, pas insipide mais pas inspiré, avec un Choi Min-sik qui se donne à fond mais qui ne saurait pallier les manquements scénaristiques, les incompréhensions, les ellipses qui sabordent l'empathie que l'on aurait pu avoir au contact de ces gamins.
Parce que l'on axe tout sur l'amour entre le prof et son ancienne petite-amie, voir la pharmacienne - la pilule est dure à avaler - que les thématiques dont je parlais avant sont survolées, vite fait, phagocytées par les histoires de cœur de ce type un peu looser qui se reprend en main. Supposément au contact des élèves, mais on voit pas vraiment comment.
Il y a des idées, des moments sympas, mais le scénario et le casting m'avaient fait espérer beaucoup, je n'ai eu qu'une soupe un peu fade. Pas mauvaise, mais j'y reviendrai pas. C'est à voir, pour vous faire une idée par vous-même, si vous aimez Choi Min-sik ou bien les comédies dramatico-romantique sans grands enjeux. Pas une priorité toutefois.