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Mis à part Enemy of the State, je ne vois pas d’autres œuvres de Tony Scott qui fasse un pas de côté par rapport à son action burnée traditionnelle pour entrer dans le thriller d’espionnage. Un écart porté par Robert Redford et son double deux fois plus jeune, Brad Pitt, dans un Spy Game qui propose d’explorer la relation mentor à élève, père à fils, de ces deux agents de la CIA. Sur le papier, c’est aguicheur, d’autant plus lors que le film s’annonce comme une partie d’échecs (Pitt s’appelle subtilement Bishop, le fou) jouée depuis les bureaux de Langley, où les vies humaines sont autant de pions que l’on peut sacrifier à des fins de diversion pour atteindre le mat final.
La construction narrative est-elle aussi cohérente avec l’exploration de la relation qui unit les deux hommes, un passage de relais à travers les années qui emmène le spectateur dans divers théâtres d'opérations à travers le monde, multipliant les sous-intrigues au rythme des macguffins. Mais si la structure est plutôt habile, son exécution l’est moins car le fil rouge ne prend pas. La quantité de pistes anecdotiques déroulées conduit à une dilution de l’attention du spectateur, qui finit par ne plus en avoir grand chose à faire de ces flash-backs. Surtout quand ledit spectateur n'est pas particulièrement friand du montage haché du cinéaste. Heureusement, les scènes dans le présent apportent un liant qui réussit à rattraper le regard oisif, qui devient amusé devant les manipulations de Redford, toujours un coup à l’avance.
Pourtant, la promesse d’un voyage à travers trois lieux ancrés dans l’histoire américaine (le Vietnam, le Berlin de la Guerre Froide, et le Liban en guerre), à trois époques charnières, et dans trois ambiances distinctes autant visuellement (colorimétrie, topographie…) que thématiquement (les contextes géopolitiques renvoient aux tourments internes de Bishop) devrait apporter le gros de la réjouissance. Mais l’immersion en ces lieux ne prend jamais. Les clichés s’y accumulent, quand les décors eux-mêmes ne pâtissent pas d’un budget inférieur aux ambitions devinées : le Vietnam se réduit à une colline qui surplombe un camp, Berlin est une ville vide, tandis que Beyrouth n’existe que sur deux rues.
Un semi-plantage que viennent relever le duo d’acteurs, la musique techno-thriller efficace de Harry Gregson-Williams (Metal Gear Solid), et quelques lignes de dialogue bien senties. Mais pour le grand frisson d’une aventure d’espionnage international, pour des retournements de situations qui ne soient pas perceptibles dès la mise en place de leur premier élément, ou pour la création de personnages qui ne cumulent pas les poncifs du genre, on repassera, malheureusement.