C’est un grand souvenir de cinéma, un des plus grands d’ailleurs. Imaginez donc un peu, vous êtes un jeune adulte à qui on a fourré du Star Wars dans le biberon mais qui, n’ayant que neuf ans à la sortie du Retour Du Jedi et des parents pas trop friqués, n’a jamais eu l’occasion d’extasier ses pupilles devant un R2D2 plus grand que nature sur l’écran d’une salle digne de ce nom. C’est donc un vrai cadeau que vous fait Georges Lucas pour vos vingt-cinq ans (mais si, ça fait encore jeune adulte…), sortir sur grand écran le premier épisode de Star Wars et ainsi résoudre les mystères qui entourent Luke, Leia et le seigneur Vador.
Autant dire que l’émotion est à son comble quand vous posez vos fesses impatientes dans le confortable fauteuil d’une salle du Pathé Bellecour, le petit garçon de neuf ans privé de cinoche a alors passé une petite partie de son premier salaire pour leur payer une place à lui et la femme de sa vie. Extinction des lumières, tout en douceur, juste histoire de faire durer le suspens et de faire monter la tension d’un cran. Explose alors à l’écran le plus célèbre et le plus réussi des jingles, celui de la 20th Century Fox qui n’a d’autre effet que de vous tirer quelques larmes de joie (authentique !). Car vous y êtes enfin, dans cette salle comble, entouré d’autres fans et serrant bien fort la main de votre dulcinée, le regard plein d’espoir et le cœur plein de foi. C’est parti, résonne alors, tonitruant, le main theme de John Williams et là vous pleurez à chaudes larmes, c’est trop bon ! Toujours le même long blabla qui défile à l’écran et qui vous a toujours prodigieusement gonflé puisque de toute façon vous en oublierez la moitié avant la fin. Fin du générique, début du film, un beau vaisseau et des cris dans la salle (authentique bis !), ça va le faire…
C’est un bon souvenir de cinéma mais très court, un des plus courts d’ailleurs. Imaginez donc un film qui parvient à faire illusion à peine un quart d’heure. Imaginez que, l’aspect innovant de la première trilogie ayant disparu, les défauts de Lucas réalisateur ressortent comme de l’acnée juvénile sur le visage de la plus jolie fille du bahut : dialogues indigents, direction d’acteurs inexistante, scénario faussement élaboré. Le résultat donne un film beaucoup plus aseptisé que ses ainés, presque pénible par moment. Là où Harrison Ford en cabot accompli et Carrie Fisher en bikini mémorable parvenaient à donner de la saveur à cette trilogie, Liam Neeson, Nathalie Portman et Ewan McGregor semblent s’écraser sous le poids de l’enjeu. Où alors ils ont décidé de faire de ce film une propagande stoïcienne résultat, ils font la gueule du début à la fin. Même quand ce stupide laideron baveux de Jar Jar tente de faire « pouet » avec ses aisselles, ils ne parviennent pas à décrocher le moindre début de sourire, pas même un rictus.
On sort de la salle au bord du désespoir, persuadé que Lucas a transformé son bébé en Phénix inversé, là où l’oiseau mythologique meurt pour mieux renaître, Lucas semble avoir ressuscité la franchise pour mieux l’assassiner. Il ne reste que de vagues impressions de la trilogie première : des personnages, des lieux, des images, s’ajoute à tout ça le seul pas trop mauvais moment, la maintenant légendaire course de pods racers (jouissive sur N64 !), qui reste largement surestimée. De mauvaises langues diraient que Lucas ne pense plus qu’aux dollars (vente de la franchise à Disney…), mais si vous avez été assez crétin pour retourner voir cette chose en 3D quelques années plus tard, qu’en plus cela a été votre premier contact avec la 3D, vous en sortez convaincu que le seul objectif de Lucas aujourd’hui et de vous faire les poches. Pourvu que J.J. Abrams ne nous les fasse pas à son tour !