George Lucas avait rédigé une trame grossière du troisième épisode de sa prélogie en 1973, bien avant le tournage de Star Wars, Episode IV : A New Hope. Quand il lance le projet de la prélogie dans le milieu des années 90, le réalisateur sait donc déjà comment il veut terminer sa nouvelle trilogie : par l'avènement de Dark Vador en apportant tous les liants nécessaires pour boucler sur le début de l’épisode IV. Il commence ainsi à travailler sur le script en lui-même un peu avant la sortie de Star Wars, Episode II : Attack of the Clone. Mais voilà, son premier scénario ne lui plait guère. Le réalisateur voulait, il est vrai, à l'origine débuter la conclusion de la prélogie par une bataille se déroulant sur plusieurs fronts planétaires. Or, finalement, il réoriente son récit pour se concentrer principalement sur Anakin Skywalker. Le script va alors s'étoffer et bouger même après la fin du tournage.
L'une des conséquences du remaniement du scénario est d'occulter certains éléments que George Lucas voulait aborder et qu'il avait laissés en suspens comme, par exemple, l'origine des clones et les mystères de la planète Kamino. Si il ne donnera pas de réponse dans le troisième volet, il autorise une série animée Star Wars : Clone Wars proposée sur Cartoon Network. La série présente un personnage important de l'Univers Étendu, la fameuse Sith, Asajj Ventress. Mais surtout, introduit bien avant le troisième long-métrage, le personnage du Général Grievous et la façon dont il a enlevé le Chancelier Palpatine. Le but de est de permettre aux fans d'avoir tous les éléments pour comprendre le futur film alors que le public lambda devra se contenter du texte déroulant.
Malheureusement, la série se fera décanonisée depuis la sortie de la seconde série sur La Guerre des Clones diffusée à partir de 2008, Star Wars : The Clone Wars.
C’est en 2005 que sort Star Wars, Episode III : Revenge of the Sith, et qui va clôturer la prélogie.
Le thème principal est, comme promis, le basculement de Anakin vers le Côté Obscur de la Force. Tout de suite, le spectateur remarque qu'une petite musique est susurrée à l'oreille du héros. Comme un serpent hypnotiseur, le Chancelier Palpatine avec patience et minutie plante la graine du doute chez le jeune Jedi. Il importe la suspicion sur tout ce qu'il a appris et qu'il croit juste : la justice des Jedi évidemment mais aussi les bienfaits de la démocratie. Dès le début du film, il est clair que Palpatine, feignant d'attendre de se faire sauver, manipule Anakin et Obi-Wan. Le spectateur sait que le chancelier est le Seigneur Sith, Dark Sidious, et il se doute que cet enlèvement est une mise en scène pour forcer Anakin à plonger un peu plus dans le Côté Obscur. La prestation de Ian McDiarmid est également à souligner. Sublime Palpatine, il sait se rendre charmeur alors qu'il est en réalité le mal incarné. En Dark Sidious, il se montre particulièrement méthodique et efficace.
Pour autant, Palpatine sait que le garçon a encore des valeurs en lui et qu'il doit trouver un moyen de le corrompre définitivement. Anakin, ayant débuté sa formation tard, a déjà eu à subir la perte de sa mère et fait des cauchemars prémonitoires lui annonçant la mort prochaine de Padmé, la femme qu'il aime et avec qui il est désormais marié. Palpatine lui parle alors de la légende Sith de Dark Plagueis qui aurait réussi à vaincre la mort pour les autres mais également à donner la vie à partir de rien. Les dires de Palpatine sont intéressants car ils insinuent deux choses. D'abord, même s'il ne le confirme jamais, Dark Sidious serait le disciple de Dark Plagueis et l'apprenti aurait finalement tué son maître pour prendre sa place. Ensuite, et surtout, le légendaire Sith serait peut-être à l'origine de la naissance de Anakin.
Palpatine promet donc à Anakin de sauver sa bien-aimée si il passe du Côté Obscur, seul moyen d'apprendre la technique interdite. Le plus cruel dans la tragédie de Anakin est là : en voulant sauver l'amour de sa vie, il va lui-même la condamner ! En essayant d'empêcher son rêve funeste, il n'aura fait, en réalité, qu'aider à le concrétiser. Si il avait essayé de prendre du recul sans tomber dans le piège tendu par Palpatine, il aurait assurément sauver sa femme sans parler du coup d'arrêt mis aux projets politiques du Seigneur Sith et du sauvetage de la démocratie.
Le véritable moment iconique est donc la transformation de Anakin Skywalker en Dark Vador, et ce aussi bien physiquement que psychologiquement. Hayden Christensen joue ainsi un Anakin vraiment torturé et a gagné en qualité et maturité dans son jeu. La scène où il tue les novices donne vraiment froid dans le dos sans que rien ne soit pourtant réellement montré à l'écran au profit d'une simple suggestion narrative, passant notamment par le regard sombre de l'acteur. En face de lui, son Maître, Ewan McGregor en Obi-Wan se montre impuissant face aux changements de son ami. Sa bataille avec Anakin sur Mustafar est ainsi particulièrement impressionnante.
Le basculement de Anakin se fait quand le jeune Jedi prend parti pour le Chancelier Palpatine plutôt que pour le Maître Jedi Mace Windu. Anakin s'est finalement laissé convaincre par Palpatine de sa promesse de vie éternelle pour son épouse. Il a dû alors faire un choix entre l'Ordre Jedi et Padmé. Natalie Portman n'était pas très convaincante en Padmé Amidala amoureuse dans le précédent opus, elle semble ici plus à son aise. Toujours aussi parfaite dans le rôle de politicienne, elle convainc dans celui de l'épouse qui remarque que son mari est devenu un monstre qu'elle ne peut plus suivre.
Sur Mustafar, Anakin Skywalker va alors perdre le seul lien qui le maintient à son côté lumineux. Padmé, inquiète, l'y retrouve en effet mais n'accepte pas ce que son mari est devenu. Anakin furieux lui pose un terrible ultimatum et de colère étrangle celle qu'il aime, risquant de la tuer. Elle est sauvée de justesse par Obi-Wan qui a, pour devoir, d'éliminer son ancien Padawan. Après un combat dantesque, l'apprenti Sith est vaincu, perdant ses deux jambes ainsi que son seul bras valide. Qui plus est, ce qui reste de son corps est complètement brûlé. Ce combat signe en réalité la mort effective de Anakin, il n'est plus qu'un morceaux de corps et d'esprit rempli de haine devenant de façon définitive Dark Vador. L'Empereur finit ensuite la transformation physique de son apprenti en lui sauvant la vie et en lui donnant son armure et son casque noir si caractéristiques. Dark Sidious termine également la mutation psychologique de Dark Vador en lui annonçant qu'il est le responsable de la mort de sa bien-aimée, tombée sous les coup de sa propre colère. Un monstre est donc né...
Un autre beau moment est assurément la façon dont Palpatine accomplit la purge Jedi. Il a, en effet, implanté dans le subconscient de chacun des clones une sorte de programme qui les fait se retourner contre les généraux Jedi : le fameux Ordre 66. En donnant ce commandement aux clones, il confirme ainsi indirectement aux spectateurs, sans toutefois le préciser explicitement, que c'est bien lui qui est à l'origine de la commande des clones aux généticiens de Kamino. Les Jedi vont alors tous se faire assassiner les uns après les autres. Seuls deux en réchappent, Yoda et Obi-Wan. Ils vont alors essayer immédiatement de supprimer les deux Sith, Yoda se chargeant de l'Empereur et Obi-Wan d'Anakin. Il faut ici souligner le combat véritablement jouissif entre Yoda et l'Empereur qui déroule pas moins qu'à l'intérieur même du Sénat Galactique, ce haut lieu rempli de symboles de la démocratie, devenant celui de sa chute. L'Empereur prend évidemment le dessus obligeant Yoda à s'enfuir et à partir en exil attendant des jours meilleurs. Il est évident que les Jedi sont tombés à pieds joints dans le piège tendu par Palpatine. Cette armée de clones venue de nulle part aurait dû éveiller leurs soupçons. Cette guerre a usé l'Ordre des Jedi : de défenseur de la paix, ils sont devenus des généraux de guerre tentant de garder la cohésion de la Galaxie. Or toute guerre a ses victimes collatérales, et petit à petit, sape le moral de la population et indirectement la confiance placée en ses protecteurs. Peu à peu, les Jedi sont obligés de tordre le cou à leurs valeurs à l'image de Mace Windu qui décide d'assassiner le Chancelier sous prétexte qu'il est trop dangereux de le laisser en vie. Paradoxe suprême, c'est cette assertion qui va finir de convaincre Anakin Skywalker que les Jedi se sont désormais fourvoyés. Elle est en opposition totale avec les principes fondateurs de l'Ordre Jedi : la respect de la vie et la défense de la justice.
La musique de John Williams demeure évidemment toujours aussi merveilleuse. Bien plus sombre que dans les précédents opus, le compositeur met l'accent sur les horreurs que commet Anakin ainsi que sur les doutes qui l'assaillent avant elles. Il réutilise aussi, de-ci de-là, certains airs des autres films de la prélogie mais également les partitions iconiques de Star Wars, Episode IV : A New Hope pour faire le pont avec l’épisode IV.
Star Wars, Episode III : Revenge of the Sith conclut à merveille cette prélogie qui a tant divisé les fans et les spectateurs. George Lucas a réussi, quant à lui, le tour de force de montrer la lente descente aux enfers de Anakin Skywalker et sa transformation en Dark Vador sans trahir l'icône. En établissant parfaitement le pont avec sa première trilogie, le réalisateur crée ainsi un lien émotionnel en bouclant sa saga sur Anakin Skywalker changeant de la sorte le regard que le public avait sur le plus grand méchant du cinéma. Dark Vador est devenu sous sa carcasse humain et attachant. Une grande réussite !