Epiphanie
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le 14 déc. 2011
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Mission Impossible III a changé bien des choses. La promo a été piratée par Tom Cruise, qui a étalé sa vie personnelle et son mariage avec Katie Holmes. Conséquence directe ou coïncidence : le troisième opus a moins marché que les précédents. Quelques mois après la sortie du film, le studio Paramount met fin à sa collaboration privilégiée avec Cruise / Wagner Productions, la société de l'acteur et qui avait lancée le premier film de la franchise. L'affaire reste discrète, mais le comportement de Tom Cruise, son rapport trop médiatisé avec la scientologie et ses problèmes personnels, seraient la principale cause de cette séparation.
Mission Impossible : Ghost Protocol qui sort en 2011, à bien des égards, est le bébé de ce divorce, et le début d'une nouvelle ère pour Tom Cruise et la franchise qui l'a maintenu sur le devant de la scène hollywoodienne.
Cette nouvelle ère est marqué par la présence Bad Robot au générique. La société de production créée par J.J. Abrams était arrivée sur Mission Impossible III (que J.J. Abrams avait réalisé). Il deviendra producteur de la saga et en profitera pour placer ses scénaristes, compositeurs et acteurs fétiches.
Josh Applebaum et André Nemec sont au scénario, ils ont l’habitude de bosser ensemble et ont déjà bossés sur Alias, la série de J.J. Abrams. À la musique c’est Michael Giacchino qui revient après Mission Impossible III, lui aussi un bon ami de J.J. Abrams.
Tom Cruise veut collaborer avec Brad Bird sur un film en prise de vues réelles après la sortie de ses films d’animation The Incredibles et Ratatouille. Brad Bird accepte la proposition et retrouve le compositeur Michael Giacchino qui avait travaillé avec lui sur ses deux films d’animation. Bien que Ethan Hunt soit le héros de la franchise, Brad Bird tient à rehausser l'importance de son équipe, et à développer les rôles secondaires.
Car, et c'est la meilleure idée du film : cette fois-ci, Tom Cruise n'est jamais seul. Le trio qui l'accompagne dans sa mission, ne fait pas de la figuration comme ce fut trop souvent le cas dans les précédents films. Bien au contraire. Jeremy Renner, pas loin d'être un double du héros, son remplaçant, Paula Patton, sexy, physique et avide de vengeance et Simon Pegg, introduit en douce dans Mission Impossible III, en agent de terrain encore néophyte, touche comique et jamais lourde du récit, donnent constamment du corps aux péripéties.
Le personnage de Jeremy Renner, William Brandt, est supposé à terme remplacer celui de Ethan Hunt, compte tenu de la popularité alors déclinante de Tom Cruise sur le territoire américain. Contre toute attente, le blockbuster est le plus gros succès de la star et va relancer sa carrière laissant Jeremy Renner dans un rôle de personnage secondaire.
Seul l’antagoniste, Kurt Hendricks aka Cobalt, qui est probablement le plus mauvais de toute la saga, est parfaitement sous-développé et sous-utilisé, réduit à quelques apparitions, mené par une vague ambition, réduite à néant avec un suicide qui tombe à plat vu le peu d'engagement envers lui, le pauvre Michael Nyqvist n’avait pas grand chose à démontrer.
Les cameos de Ving Rhames et Michelle Monaghan en fin de récit sont sympas.
Brad Bird et ses scénaristes vont s’amuser clairement avec le genre et la formule des Mission Impossible. De Ethan Hunt qui frappe le téléphone car l'autodestruction ne se lance pas, à la moquerie de Luther sur le « Mission accomplished ! » du héros, en passant par toute la technologie qui déraille (causant quelques fois la mort comme dans l’introduction), le film prend régulièrement une petite distance. Simon Pegg est plus clairement affirmé comme emblème de la légèreté au cours du film, mettant une dynamique typique de blockbuster qui alterne entre sérieux et humour, tout en gardant le bonne équilibre.
Le film se place du point de vue des manipulateurs pour mieux jouir de voir les plans des héros contrariés. Le scénario y prépare, lâchant dans la nature une poignée d’agents survivants, désavoués et livrés à eux-mêmes, condamnés à dresser des plans d’urgence sans jamais pouvoir se débarrasser du facteur hasard. De fait, aucune des opérations qu’ils conçoivent n’a de résultat satisfaisant : gadgets, coups de bluff, anticipation psychologique et efforts physiques se heurtent systématiquement à la réalité du terrain, à l’inévitable approximation de la technologie comme de l’humain, laissant un passage béant pour l’inconnu, fût-ce un incident météorologique local. De la planification, les héros sont toujours ramenés à l’improvisation, à lutter avec leur propre corps et leur propre esprit pour survivre et garder l’espoir pour la suite. C’est dans ces moments-là que le réalisateur s’avère bien être l’homme de la situation : pas seulement parce qu’il affectionne les pastiches, mais aussi pour son sens plastique se nourrissant à merveille des courses-poursuites semées d’obstacles et des luttes d’êtres dérisoires face à l’immensité.
Le film impose aussi ce qui deviendra la marque de fabrique ultime de la série par la suite : la grande cascade de fou furieux, centrale dans le film et la promo. Ici, c'est l'ascension de la tour Burj Khalifa à Dubaï. Tom Cruise est de la vieille école, et pour contrer le Hollywood des fonds verts, il met largement en avant ses capacités physiques. Pas de doublure donc, c'est bien lui qui gravit la tour la plus haute du monde. Avec des câbles certes, effacés en post-production, mais tout de même, l'acteur quinquagénaire n'a pas peur de défendre sa place dans l'arène hollywoodienne, quitte à en faire des tonnes lors de la promo.
Alors certes, Mission Impossible : Ghost Protocol n’a plus vraiment la puissance réflexive offerte à ses débuts et ses personnages sont plus que jamais ramenés à des figurines malmenées (et c’est encore plus vrai pour les méchants). Mais ces figurines n’en luttent pas moins pour leur survit, sommés d’interrompre l’exécution de leur script originel face à l’imprévisible, devenant corps souffrants, cherchant de toute urgence une issue, une existence. Le film arrive donc à s’approprier une certaine identité, fût-elle éloignée de son héritage.
Créée
le 7 juil. 2023
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