Tiraillé

Remettons les choses dans leur contexte. En 2015 sortait Star Wars : Le Réveil de la Force, le septième épisode de la saga. Se déroulant une trentaine d'années après l'épisode VI, il partait déjà avec un lourd handicap. En effet, on finissait la trilogie originale avec la victoire totale des Rebelles, et on se retrouve avec le Premier Ordre.
Le contexte général est complètement abandonné. Jamais on ne prend le temps de s'intéresser aux différents enjeux politiques de la galaxie : d'où vient le Premier Ordre ? Pourquoi est-il si puissant ? Qu'est-ce que la Résistance ? La République ? Pourquoi c'est le bordel alors que tout était réglé avant ?

En fait, Disney n'en avait rien à faire de tout ça. Parce que ce qui comptait, c'était de faire un film qui explose le box-office. Et comment on explose le box-office ? En faisant vibrer la fibre nostalgique des fans. En faisant appel à leurs souvenirs, à leurs personnages préférés. En leur montrant qu'ils vont revoir leur trilogie originale adorée. En effaçant toute trace de la prélogie, parce qu'elle avait divisé. Et surtout, surtout, en ne prenant AUCUN risque.

Et le résultat fut là : immense, incroyable, fabuleux ! Star Wars : Le Réveil de la Force devint le deuxième plus gros succès de tous les temps au cinéma. Et l'un des films les plus surcotés de l'histoire.

Le long-métrage n'est pas mauvais en soi... sauf qu'il est une gigantesque arnaque qui ne propose rien, et qui sabota d'entrée cette postlogie. En effet, Star Wars : épisode VII n'est qu'une espèce de grosse introduction à une histoire dont on ne comprend ni les tenants ni les aboutissants.

Deux ans plus tard, J.J. Abrams laissait la place à Rian Johnson, et je poussais un soupir de soulagement. Enfin un vrai film ! Star Wars : Les Derniers Jedi tente des choses, lance des idées, possède une vraie identité... Sauf qu'il ne résout rien, et le temps perdu dans l'opus précédent n'est pas récupéré.

Du coup, J.J. Abrams se retrouve avec une mission impossible : conclure sur un film une trilogie (et en même temps une saga), alors que ladite trilogie n'a pour le moment pas proposé grand-chose, et que l'épisode VIII entrait ouvertement en conflit avec son épisode VII.

Comment ne pas décevoir ? À moins d'un miracle, il était impossible de livrer un épisode IX mémorable alors que le ver était dans le fruit depuis 4 ans.
Gardez bien cela à l'esprit. Parce que Star Wars : L'Ascension de Skywalker a beaucoup de défauts, mais sa mission était totalement chimérique.

Dès le générique d'intro, j'ai su que ça allait être compliqué. On nous ressort Palpatine sans autre forme de procès... et un Palpatine en chair et en os ! Déjà, gros problème avec la fin de l'épisode VI. Palpatine aurait donc tout manigancé dans l'ombre depuis son repère caché d'Exegol ? Exequoi ? Oui, vous avez bien entendu, Exegol ! Encore un truc sortit de nulle part. En fait, le film n'arrête pas de faire ça : l'écriture Sith, le retour en force de la Résistance... et ce concept de dyade de la Force.

Le film enchaine aussi les facilités scénaristiques, notamment en ce qui concerne l'utilisation de la Force. Vous râliez parce que Leia pouvait naviguer dans l'espace ? Ahahah, mais vous n'avez rien vu ! La Force est très pratique, parce qu'elle permet de faire tout ce qu'on veut :

Bref, tout ça c'est quand même prendre les spectateurs pour des imbéciles, et il ne faudra pas trop s'étonner des réactions négatives.

J.J. Abrams doit se positionner par rapport à l'épisode VIII, et il faut dire qu'il n'hésite pas à le piétiner quand il le peut.

Le scénario était le principal problème des épisodes précédents : c'est normal que ça se répercute avec un plus grand impact dans ce film, le dernier de la postlogie.

Il y a également pas mal de défauts au niveau des personnages. Rey fait du Rey : elle n'est pas très intéressante, sauf dans sa relation avec Kylo Ren. Poe et Finn sont moyens. Rose est totalement exclue : même le hobbit a droit à plus de présence à l'écran qu'elle !

Le souci, c'est que J.J. Abrams imprime un rythme de dingue à son film pour rattraper le temps perdu. Du coup, on ne se pose jamais, les personnages sont souvent survolés. Par contre, on n'oublie pas le fan service ou le nouveau robot qui fera vendre des jouets, surtout pas !

Au niveau de la bande-son, rien à signaler si ce n'est une nouvelle fois les reprises des thèmes de la trilogie originale. Déplorable, quand on se rappelle que la prélogie a une vraie identité, avec des morceaux marquants.

Enfin, pour finir sur les défauts :

Vous l'avez compris, ce film pèche sur trop de points. Malgré tout, je ne peux m'empêcher de le trouver sympathique. Il a des qualités, on est loin du néant sidéral de Solo : A Star Wars Story.

Déjà, bien sûr, Kylo Ren ! Là, pour le coup, l'héritage de l'épisode VIII est totalement assumé.

Vous l'aurez sans doute déjà lu ailleurs, et j'espère que vous êtes au moins d'accord avec moi sur ce point : Kylo Ren est LA réussite de cette trilogie. Adam Driver, pas encore au top dans le VII, crève l'écran dans le VIII et confirme dans le IX. Il incarne de manière quasi-irréprochable son personnage, dont le parcours est sans doute ce qu'il y a de plus cohérent sur les trois films.
Sa relation avec Rey est également très bien exploitée, et totalement inédite.

Pour moi, Kylo Ren est l'un des meilleurs personnages de la saga.

J'ai aussi bien aimé C-3PO : plus présent que d'habitude, je l'ai trouvé vraiment drôle.

Au niveau du visuel, Star Wars : L'Ascension de Skywalker est assez beau (bien qu'en dessous de Star Wars : Les Derniers Jedi). Mais le rythme est trop soutenu pour qu'on puisse en profiter, et les scènes d'actions sont trop rapides.

Pour terminer :

Si je devais faire un bilan de la postlogie, je parlerais de demi-échec. Elle a beaucoup de défauts, mais elle a su aussi proposer des choses intéressantes (épisodes VIII et IX). Et je préfère toujours un Star Wars : L'Ascension de Skywalker bourré de défauts, mais pavé de bonnes intentions, qu'un Star Wars : Le Réveil de la Force lisse et insipide.

Le bilan de la postlogie est décevant, mais contrairement à ce qu'on voudrait nous faire croire, la responsabilité ne repose pas sur Rian Johnson et son film.
Non, tout le monde est responsable : J.J. Abrams, Rian Johnson, les scénaristes... mais il ne faudrait pas oublier le premier fautif : Disney.

C'est le studio qui a fait les choix, qui a validé ou invalidé. Lui seul avait une vision d'ensemble. Disney est coupable de n'avoir pas été capable de trouver une histoire claire et cohérente se déroulant sur trois films.

Et en passant, il n'y a rien de plus détestable que les fans toxiques qui ont applaudi le VII, vomissent le VIII et viennent donner des leçons sur le IX. N'oubliez pas : la mission du réalisateur était impossible. Il ne s'en sort finalement pas trop mal. Donc soyez justes et pardonnez-lui.

Je pense que Star Wars : L'Ascension de Skywalker aurait dû faire deux films au lieu d'un : on aurait davantage pris le temps de se poser, d'expliquer, d'avancer, de développer les enjeux et de vraiment s'attacher aux personnages. L'histoire n'en aurait été que gagnante, et les idées ne seraient pas sorties de nulle part.