Après une si longue attente et avec tout ce que la saga représente, Le Réveil de la Force était quasiment destiné à décevoir. Réussir à introduire de nouveaux personnages tangibles sans oublier les légendes qui ont fait la saga. Instaurer un équilibre entre innovation et respect des bases. Faire oublier Lucas tout en s'imbriquant dans son oeuvre. Les défis ne manquaient pas, et il fallait sincèrement en avoir pour se lancer dans l'aventure.
Car non, agiter un sabre laser et faire voler trois X-Wing ne suffit pas à assurer le succès d’un Star Wars. Il fallait être costaud, très costaud, pour s'attaquer à un tel mythe et ne pas manger un retour de flamme monstrueux dans la gueule. Parce que quoi qu'on en dise, devenir le creuset de toute la frustration d'une population hystérique dont l'espoir se transforme en haine, ce n'est pas un objectif de vie particulièrement attirant.
Et bien devinez quoi ? Abrams a porté ses couilles, sans trop regarder les épées de Damoclès pointées sur ses omoplates, et a sobrement sorti le bébé qu’il fallait.
La scène d’intro est peut être la meilleure des sept films. Le reste n’est pas de ce monstrueux calibre mais reste bien au dessus de la moyenne. On nous avait promis que ça ne ressemblerait pas à la prélogie et il faut bien avouer que Disney n’avait pas menti. Moins de couleurs, moins de planètes, moins de plans dans l’espace, pas de multitude d’espèces galactiques. Certes. Mais pas de fonds verts, pas de protagonistes risibles, pas de vomi numérique sur chaque portion de la pellicule et pas de saltos au moindre mouvement.
Ce qui marque d’entrée, c’est ce retour au réel. Les immenses dunes de sable sont là, la ferraille rouille sous nos yeux, la neige glacée et les couloirs brillants du premier ordre reflètent cette volonté évidente d’arracher le spectateur à son siège pour le coller dans un monde qu’il peut quasiment sentir.
Back to Basics
Kamino, Geonosis ou Mustafar, personne n’y a jamais mis les pieds. Mais tout le monde a déjà marché sur Tatooine en regardant les soleils se coucher, tout le monde s’est précipité à l’intérieur de la base Echo lorsque Chewie fermait ses portes givrées, tout le monde a roulé dans les fougères d’Endor pour échapper à un stormtrooper invisible. Ici le sable sera celui de Jakku, la neige viendra de la base Starkiller et les arbres de Takodana, mais la sensation est la même.
D’ailleurs, impossible de ne pas penser à Un nouvel Espoir tellement le film s’en inspire. Trop diront certains. Juste ce qu’il faut pour les autres. Les clins d’œil sont innombrables. Le Réveil de la Force passe son temps à jouer avec le reflet de son aîné. Une fois pour suivre ses formes, l’instant d’après pour être son exact opposé. D’abord Rey semble reprendre le rôle de l’orphelin Luke. Et plus le temps passe, plus il s’avère que Kylo Ren s’en rapproche encore davantage. Même apprentissage de la Force guidé par un mentor disparu et un vieux maître tout puissant. Même lutte pour se détacher d’un père qui incarne à lui seul la faction ennemie. Mais quand Luke luttait pour se détacher du côté obscur, Ren se bat contre l’attrait de la lumière.
La bataille finale pour détruire la station ennemie est un remake de celle de Yavin, et est quasiment introduite comme telle par les personnages. De la même façon, le Starkiller n’est qu’une étoile de la mort améliorée. On y entre toujours comme dans un moulin, elle peut détruire les planètes après un décompte interminable et plus important que tout, elle a conservé son bon vieux point faible au bout d’une tranchée pleine de tourelles. Clairement, s’il faut trouver des défauts à ce film, c’est de ce côté-là qu’on cherchera. Sans oublier Maz Kanata, bien moins charismatique et importante qu’attendu.
Mais pour le reste, ce nouveau Star Wars ne décevra pas. Impossible de ne rien éprouver à l’apparition du Faucon Millenium, lorsque qu’un escadron de X-Wing se jette sur les chasseurs Tie du Premier Ordre où à chaque activation du mythique sabre laser.
Tuer le père
En plus de ces moments de pur bonheur, Abrams se permet de balancer quelques scènes proprement splendides. L’introduction de Rey, minuscule au milieu des carcasses et des dunes de Jakku. Un plan de poursuite dans ces mêmes épaves où le Faucon Millenium est filmé comme un immense requin nageant au milieu des récifs. La destruction de la Nouvelle République par le Premier Ordre. Le face à face entre Ren et Snoke tout en démesure. Et puis la confrontation entre Han Solo et son fils, suivie du duel au sabre dans la neige.
La première est le reflet évident du face à face entre Luke et Vador sur Bespin. Un reflet qui ne dépasse jamais l'objet original, mais qui reste filmé de manière grandiose. Les jeux de lumière sont somptueux et rendent la scène inoubliable. La mort de Solo est évidemment un message. La transition est faite, maintenant la relève prend le pouvoir. Il faut désormais que les suites se détachent de la trilogie originale. Voir les films suivants se reposer autant sur leurs prédécesseurs que l’a fait Le Réveil de la Force serait incompréhensible.
Le combat au sabre, lui, est une véritable merveille. Et il faut commencer par féliciter l’intelligence de ceux qui, à l’heure où les bandes annonces résument un film plutôt que de l’introduire, nous ont fait croire jusqu’au bout que Finn serait le jedi de service. Car s’il tente maladroitement de se défendre face à Ren, notre ami ne fera pas long feu sabre en main et c’est bien Rey qui va se charger de régaler les foules.
Comme l’œuvre dans sa globalité, le duel tient en une idée. Retour aux bases. Les sabres ont leurs signatures, vrombissent chacun différemment dans le ballet mortel qui se joue. Et même John Williams s'efface pour les laisser, l’un agressif et torturé, l’autre grave et pur, composer la mélodie du premier assaut. Les impacts sont violents, sans fioritures. Pas de pirouettes, de moulinets circassiens et de chorégraphies endiablées. L’obscurité ambiante fait ressortir les deux halos lumineux pour afficher un manichéisme assez inhérent à la saga. Bleu contre rouge, la lumière contre les ténèbres, la rage contre l’apaisement. C’est gros mais ça marche. Et l’environnement parvient presque à rendre le tout poétique.
Toujours présent, John Williams n’arrive pas à décevoir. Il faut savoir utiliser le terme « génie » avec parcimonie, mais l’individu ne cesse de démontrer qu’il en est digne. S'il faudra attendre quelques temps avant de juger de l'impact de ses nouveaux morceaux, on peut déjà annoncer que leur globalité est au niveau. Mention spéciale au thème de Rey, à celui de la Résistance, de Kylo Ren ou à The Jedi Steps. Pas de soucis pour la partition, il y a de la magie dans ce que nous offre le compositeur. Entendre ces morceaux à nouveau dans les prochains films, les attendre, les reconnaître, les voir agencés différemment, tout ça participera à les rendre désirables et aussi cultes que leur prédécesseurs.
A l’heure du bilan pas de doutes, ce Star Wars est une réussite. Un succès qui fait regretter les changements de réalisateurs programmés entre chaque volet. Car si J.J. Abrams a brillamment relancé une saga monumentale, d’autres se sont lamentablement vautrés dans l'exercice. Colin Trevorrow par exemple, réalisateur du pathétique Jurassic World et en charge du futur Star Wars IX. Tu ne crains pas la peur ? Tu auras peur.
Vient donc le temps des questions, des théories et de l’attente. Profitions-en. Car pour nous comme pour eux, le plus dur commence.