En 2012, la Walt Disney Company révèle avoir acheté la compagnie Lucasfilm pour 4.000.000.000$. Ils obtiennent la totalité des droits sur des sagas comme Indiana Jones ou encore Star Wars. La nouvelle fait l’effet d’une bombe chez les fans et les professionnels du cinéma, de plus, ils annonce la mise en chantier de Star Wars, Episode VII - The Force Awakens.
L’épisode VII sera le premier d'une trilogie, et que la saga Star Wars continuera au-delà, avec d'autres films dérivés de cet univers. Il faut amoindrir le paiement de 4.000.000.000$, qui est, une des plus grosses opérations financières de Hollywood. Au moment du rachat, George Lucas, le créateur de la franchise, remet à Disney ses projets d'histoires pour une trilogie. L'histoire devrait se concentrer sur une nouvelle génération de héros dans une aventure inédite, et non pas une adaptation des romans de l'univers étendu.
Cependant George Lucas va vite se désolidariser avec la production. Plusieurs raisons à cela. D’abord, il sent que Kathleen Kennedy (la vice-présidente de Lucasfilm), mais aussi le studio Disney ne veulent pas forcément aller dans la direction qu’il avait esquissée. Ensuite, il lui est difficile de rester attaché à un projet qu’il a construit toute sa vie et qui ne lui appartient plus. Il préfère rester simple spectateur et laisser ses héritiers gérer son bébé. Il estime en réalité que la saga Star Wars n’est plus de son ressort.
Kathleen Kennedy fait donc appel aux scénaristes Michael Arndt pour commencer à plancher sur la troisième trilogie, que j’appellerais la postlogie, en se basant dans un premier temps sur les pistes narratives de George Lucas, puis très vite en s'en affranchissant. Michael Arndt est alors chargé d'écrire le scénario complet, mais se fait remercier à peine un an plus tard.
Finalement, c’est J.J. Abrams et Lawrence Kasdan (le scénariste de Star Wars, Episode V - The Empire Strikes Back et Star Wars, Episode VI - Return of the Jedi) qui décident de reprendre en main le scénario, de le réécrire totalement et de s'éloigner franchement des pistes de George Lucas. Le changement de scénariste oblige donc le studio Disney à repousser la sortie du film pour la fin d’année 2015, une période inédite pour la franchise Star Wars.
J.J. Abrams sera également a la réalisation alors que celui-ci avait dans un premier temps refusé l'offre. Le réalisateur, grand fan de George Lucas et Steven Spielberg, paraît l’homme idéal pour prendre la suite de la saga Star Wars. Il avait déjà rajeuni la franchise Star Trek avec Star Trek en 2009 et Star Trek Into Darkness en 2013.
Dans son écriture et sa réalisation, J.J. Abrams propose alors un film qui est à la fois un hommage au Star Wars qu'il aime, principalement la première trilogie, et particulièrement au Star Wars, Episode IV - A New Hope tout en ayant parfaitement compris quels étaient les ressorts de la saga. La construction est en effet identique avec le recours à trois actes. Et ce qui frappe encore plus, c'est l'importance de la symétrie, c’est un miroir du premier opus de la trilogie originelle. J.J. Abrams a parfaitement saisi les fondements mis en place par George Lucas au fur et à mesure du développement de sa saga.
J.J. Abrams reprend donc à son compte l’héritage dans la symétrie, comme si la Force poussait à ce que le destin de la Galaxie soit un éternel recommencement. Certains éléments reviennent alors comme celui qui consiste à cacher un plan dans un droïde perdu lui-même sur une planète désertique. Et ce même droïde va se mettre sous la protection de l'héroïne, comme R2-D2 sous la coupe de Luke Skywalker. Le petit groupe va ensuite s'évader sur le Faucon Millenium. Toujours dans les symétries, l'arme de destruction massive du Premier Ordre, Starkiller, est une réminiscence évidente de l'Étoile Noire et de l'Étoile de la Mort. Enfin, le mentor va mourir lui-aussi. Certains prendront alors toutes ses similitudes pour un remake et l’argument ne peut pas être réfuté, du moins au premier abord.
Le récit doit non seulement amorcer une nouvelle trilogie, mais également faire revenir sur elle les anciens fans ayant découvert, à l’époque de sa sortie, la première tout en ne perdant pas, en cours de route, la nouvelle génération qui va découvrir Star Wars par son septième épisode. Faire un hommage appuyé au premier opus permet, de la sorte, de toucher la corde nostalgique des anciens tout en apprivoisant les nouveaux venus.
J.J. Abrams a donc préféré s’appuyer sur l'émotion du public en le plongeant dans une ambiance connue plutôt que de partir dans une vision totalement originale qui aurait déstabilisé tous les auditoires. Le but est en effet ici de relancer la franchise, l’épisode sert, en un sens, au réveil des fans et du public dont certains s’étaient un peu endormis.
La nostalgie et la réussite de l'ensemble doivent énormément à la musique de John Williams (compositeur de la saga toute entière) qui fait, une fois de plus, des merveilles en utilisant les anciennes mélodies qu’il marie à de nouvelles musiques toutes aussi convaincantes. Un exemple est assurément le thème de Rey qui revient en début et fin d’opus et s’avère entêtant à souhait.
Star Wars, Episode VII - The Force Awakens étonne en effet par sa capacité à se rattacher à la trilogie originale tout en infusant son scénario, par petites touches, de l’ancien univers étendu que la Walt Disney Company a tout bonnement supprimé du canon officiel.
La famille Skywalker est toujours au centre du récit, à la nuance près qu’on inverse le problème ici. Anakin sombre dans le Côté Obscur en voulant protéger celle qu'il aime, Luke va tout faire pour sauver son père du Côté Obscur, ici, c'est le petit-fils de Dark Vador qui veut ressembler à son grand-père et finir ce qu'il a commencé. Kylo Ren lutte contre le bien qui est en lui. Il est, en cela, un personnage intéressant car il n'est pas encore totalement tombé du Côté Obscur. Il pousse son envie de mimétisme jusqu’à porter un masque pour prendre l’apparence et la voix du grand Seigneur Sith. Kylo Ren vaut surtout pour sa relation avec son père, Han Solo. Le climax du film est ainsi passionnant car, de tous les sacrifices des précédents opus, c'est celui qui est le plus poignant mais aussi le plus symbolique. Le discours de Kylo Ren, Ben Solo de son nom de naissance, vis-à-vis de son père est saisissant. En éliminant le père, il se libère enfin de son Côté Lumineux pour rentrer totalement dans le Côté Obscur. Adam Driver fait un superbe travail de composition sur son personnage dont il magnifie la colère et l’impétuosité maléfique. Ses nombreuses failles tant psychologiques que sociologiques le rendent en outre complexe à souhait. Ce sont ses faiblesses qui le rendent fascinant jusqu’à la scène ultime contre son père dont la force narrative est juste incroyable. Le combat qui s’ensuit contre Rey et Finn est aussi intéressant en ce qu’il révèle sa trop belle assurance à prendre le dessus contre le renégat et la pilleuse d’épave, puis sa désillusion. Kylo Ren, alias Ben Solo, a donc encore beaucoup de choses à apprendre et à apporter dans les prochains épisodes.
Harrison Ford, dans le rôle de Han Solo, a une classe incroyable et sait toujours rendre son personnage attachant. L’acteur qui voulait déjà que son personnage meurt dans la trilogie voit donc son vœu réalisé. Il va faire briller le contrebandier une dernière fois et de la plus belle des manières. Quant à Carrie Fisher, plus discrète, elle permet à Leia Organa de conserver toute son aura malgré le poids des années. Ses interactions avec Han Solo sont sincères et l’idée d’avoir séparé le couple permet de rendre bien plus crédible leur relation tout comme celle qu’ils entretiennent avec leur fils.
Le plaisir est toujours intact quand Chewbacca apparaît à l’écran, ainsi que, plus ponctuellement, les droïdes C3PO et R2D2.
Le nouveau trio principal composé de Daisy Ridley, John Boyega et Oscar Isaac reste le moins intéressant. Rey est attachante, mais les non-dits qui l’entourent la rendent assez transparente. Jamais dans un épisode Star Wars, autant de zones d’ombre n’avaient été laissées. À ce stade là, ce ne sont donc que des suppositions qui peuvent être faites sur Rey. Il vaut mieux ne pas chercher à deviner les révélations potentielles autour du personnage car fatalement, ces déductions risquent de décevoir tous ceux qui auront deviné de travers. Il est ainsi plus intéressant de se focaliser sur les aptitudes réelles de la jeune fille qui prouvent qu'elle est un être avec de fortes capacités et des facilités naturelles. Elle a ainsi le don de pilotage et de mécanique, ces deux aspects plaisent particulièrement à Han Solo qui retrouve dans la jeune fille, un peu de sa fougue d'antan et l’enfant qu’il a perdu. Rey trouve également dans Han Solo plus qu'un mentor, mais aussi le père qu'elle n'a jamais eu. Elle se retrouve d'ailleurs totalement bouleversée quand il est tué par Kylo Ren, alors qu'elle venait à peine de trouver quelqu'un sur qui compter. Finn se révèle au fur et à mesure. Son personnage permet de mettre en avant le système d’endoctrinement du Premier Ordre. Enfin, Poe Dameron jouit d’un incroyable charisme, mais fait regretter sa courte présence à l'écran.
Les personnages ont un solide socle pour la suite de la trilogie, de plus, J.J. Abrams a souhaité rapprocher autant que faire se peut son épisode de l'aspect et de l'ambiance de la première trilogie. La plus grosse conséquence de ce choix narratif est la limitation au maximum des écrans verts et le recours massif aux effets spéciaux mécaniques et à l'utilisation des marionnettes. Tout est ainsi bien plus palpable et réel que dans la prélogie.
Une autre conséquence de ce choix est sûrement l'aspect terrestre, comme pouvait l'être la trilogie, des décors, empêchant une certaine ambition visuelle qu'avait la prélogie. Pour autant, cette décision appuie encore plus cette impression de surplace qui semble avoir figé, aussi technologiquement que politiquement, la Galaxie durant trente ans.
Star Wars, Episode VII - The Force Awakens est à la fois l'épisode de la nostalgie et de la nouvelle génération. Il fait revivre à merveille les sensations que les anciennes générations ont vécues quand elles ont découvert Star Wars à la fois dans l'ambiance, les visuels et les effets spéciaux. C’est à l'évidence un film de transmission : un jeune réalisateur qui prend la suite de l'une de ses idoles, des anciens personnages qui s'effacent face à de nouveaux héros, une nouvelle génération de spectateurs qui découvre d'un oeil neuf ce que leurs grands frères ou leurs pères adorent depuis des années.