Depuis des années on a appris à vomir la prélogie, on s'en est fait un devoir, on a même aimé ça (en tout cas on a bien plus aimé ça que la prélogie en question) alors aujourd'hui ça se gargarise un peu partout de ce nouveau film qui relance tout, qui pose de nouvelle base, qui insuffle un nouvel élan fondateur à une saga mythique, parce que tout le monde s'en fout du film, tout ce qu'il faut c'est que la prélogie ne soit pas la dernière chose que SW ait offert (ça et un tas de produits dérivés parce que tonton Lucas possède un gros pourcentage). Le fan ne vient pas voir un nouveau film, il vient vérifier que le réalisateur a bien rempli son cahier des charges et ça c'est sûrement ce qui peut arriver de pire au cinéma, il n'y a aucun processus créatif et encore moins artistique, y a juste un mec qui vient offrir aux gens ce pour quoi ils ont payé, il s'agit juste de consommation et des lois qui s'y attachent.
Enfin non, le pire c'est quand le réalisateur a effectivement rempli le cahier des charges, ce qui est le cas... On a tout, l'intro hommage tellement longuette qu'on s'y fait chier alors que ça pète de tous les côtés, les scènes typées flash-back obligatoires sous peine d'être hué, les passages (faussement) épique pour que le spectateur sache quand applaudir et frissonner (parce que sinon il est obligé de comprendre ce qui se passe à l'écran, du coup il doit faire marcher son cerveau, du coup ça le fatigue, et merde au prix de la place il est pas là pour faire des efforts).
Le plus fatiguant restant probablement ces innombrables scènes qui renvoient directement aux films originaux, au 4 principalement (enfin au premier sorti quoi). Je vais en prendre juste une pour illustrer, une que je ne pensais même pas voir, la scène où tout notre petit monde en fuite arrive dans un bar et pendant trois secondes on se tape des visuels sur la faune local très diversifiée et sur l'orchestre entrain de jouer lui aussi composé de nombreuses créatures différentes. Dans « Un nouvel espoir » ça fonctionne à merveille et même c'est devenu mythique, parce que toute cette créativité au service de la diversité visuelle était à l'époque révolutionnaire et venait étoffer l'univers. Aujourd'hui on s'en fout, déjà parce qu'on sait que les humains sont loin d'être les seuls créatures de l'univers SW mais aussi parce que du coup ça ne sert qu'à faire un clin d’œil bien gras aux fans et recevoir quelques tapes sur l'épaule en retour. Pourtant ça ne dure que quelques secondes, mais c'est symptomatique de tout le film.
On tient là un film qui ne fait pas la connerie de se perdre en sous-intrigues secondaires alourdissant le récit et c'est une vrai qualité, on va d'un point A à un point B, les enjeux sont clairs, mais sont les mêmes que ceux de l'épisode 4. Oserais-je parler de nouveaux personnages puisque leur écriture est calquée elle aussi sur les protagonistes principaux du même film ? On a remplacé Luke par une femme et basta, on retrouve le mec un peu badass mais pas trop parce qu'il faut qu'il ait un grand cœur, le robot qui va faire vendre à noël, le méchant avec un masque trop cool et une voix grave et un « surméchant » énigmatique qui a l'air vachement méchant.
Puisqu'on parle de méchant, le plus gros échec du film vient certainement de la caractérisation catastrophique de son antagoniste principal. Même ça dans la prélogie c'était énorme, on n'oubliera jamais Dark Maul à la fois sombre, silencieux et meurtrier, par contre là le mec qui chiale dans un masque qu'il n'a pas besoin de porter en regardant le masque explosé de Vador, punaise... Le mec n'est déjà plus crédible. D'ailleurs le type est tellement quelconque qu'il est à la limite de perdre, sabre laser à la main, contre un type qui n'en avait jamais touché de sa vie et qui ne ressent même pas la Force, pour ensuite se faire botter le cul par une non-initié elle non plus n'ayant jamais touché ce genre d'arme. Bon et puis ce masque c'est parce qu'il veut se rapprocher de son grand-père ? C'est pas comme si la Force lui permettait de communiquer avec lui, c'est juste une des bases des Sith.
Pour le reste de ce qui incarne le mauvais camp on note la surenchère du nazisme déjà ultra-présente jusque là (Lucas n'ayant jamais cherché à être fin de ce côté là) qui dégueule hors de l'écran. Mention spéciale bien évidemment à cette scène du discours reprenant les grandes lignes d'Hitler devant une architecture d'inspiration nazie soutenu à grand renfort de drapeaux et de couleurs à dominante rouge et noir, conclu par un salut hitlérien redesigner pour l'occasion, Lourdingue...
Un scenario calqué sur le 4, des méchants qui utilisent la Force, un empire déjà bien établi et des rebelles qui le sont toujours, vous le voyez le problème ? Les épisodes 4, 5 et 6 viennent tout simplement d'être annulé, oui voilà, on les raye de l'existence et on n'en parle plus. Souvenez vous de ces scènes de liesse à la fin de l'épisode 6, l'équilibre est revenu, le mal a été vaincu, la prophétie a été accomplie. 30 ans plus tard la République n'est déjà plus capable de faire face à une menace parfaitement en place (ils sont rapides eux), disposant d'une armée et de tout son équipement et d'une nouvelle arme bien pire que l'étoile de la mort avec à sa tête des Siths (enfin pas encore établis comme tels) et rien en face d'elle. D'ailleurs on l'explique pourquoi les rebelles existent toujours ? Ce sont eux les maîtres du game désormais, ce ne sont plus des rebelles.
Le film ne s’embarrasse pas de la logique ceci-dit, les temps de voyages sont inexistants, les rapports de force vont et viennent en fonction des besoins du scénario, tout le monde est capable de tout du moment que l'histoire ait besoin qu'il en soit capable pour pouvoir sauter à la scène suivante et la mythologie n'est absolument pas développée (enfin quand même on apprend que les sabres laser sont fabriqués par Ollivander, si si le sabre choisi son propriétaire désormais, même qu'il lui envoie des images direct dans la caboche). On passera la manière de détruire la nouvelle super-arme qui est un copié/collé pure et simple de la première étoile de la mort et est toujours aussi peu (et mal) défendue (mais bon ça c'est en lien direct avec les rapports de force et leur interchangeabilité primordial pour tout scénariste n'ayant pas envie de s'emmerder avec la vraisemblance).
Je ne peux m'empêcher de regretter que le film n'ait pas été plus intimiste, plus centré sur la descendance des personnages principaux de l'époque par exemple plutôt qu'une nouvelle menace de taille galactique aussi mal traitée que mal venue. Un petit contingent d'anciens fanatiques de l'Empire prêt pour un baroud d'honneur vengeur sur la descendance de nos héros aurait notamment eu le mérité d'être crédible et d'instaurer un changement de rapport de forces (les reste de l'Empire en large sous nombre et sous équipé dans une mission suicidaire face à une République dominatrice) intéressant aussi bien à traiter qu'à regarder.
Point positif de ce marasme, visuellement l'épisode n’apparaîtra pas aussi daté que peut l'être aujourd’hui la prelogie, usant avec parcimonie des effets spéciaux et limitant la débauche, c'est propre et plutôt bien traité d'un point de vue formel. Petit bémol tout de même pour le combat final au sabre laser qui est pauvre et sans ambition dans sa mise en scène. On regrette une nouvelle fois que la saga n'ait su nous offrir qu'un seul véritable combat épique avec cette arme légendaire, rare passage qui sauvait ce qui pouvait encore l'être de la « La menace Fantôme ».
Un nouvel échec donc pour une saga qui gagnerait et mériterait qu'on lui foute la paix (avec ce que Disney a investi faut pas y compter), Un film créé par un fan pour les fans qui va parfaitement remplir son rôle en emplissant de satisfaction le consommateur lambda qui a eu le film qu'on lui avait promis et les caisses d'une société mère dont l'avidité de profits n'a égal que son dégoût proportionnellement inverse pour le risque et l'audace. Disney par l'intermédiaire complice de Lucas et Abrams met un nouveau coup de pelle dans la tombe pourtant déjà bien profonde de la création et de la démarche artistique sincère.