Actuellement, dans une galaxie pas si lointaine
Vous savez à Monaco les mecs en smokings qui boivent du Champagne dans des flûtes, les méchants européens riches sont à présent les méchants de ce Star Wars en plus des nazis de l’espace. J’ai pu voir ce film à 3 reprises, et alors que les défenseurs du films accusent des trolls organisés et des bots de cracher sur Disney, je pense qu’il est temps de remettre les points sur les i et d’expliquer en quoi ce Star Wars The Last Jedi peut mécontenter les fans au delà du simple “on s’attendait pas à ça”. Oui, Rian Johnson veut marquer la série de sa patte. Mais n’est-ce pas là un peu prétentieux ? Au milieu de la trilogie qui reboot la saga et n’a fait qu’introduire des nouveaux personnages ?
Un choix délibéré
Si on comprend que Disney se montre audacieux avec Rogue One : A Star Wars Story, comment ne pas voir The Last Jedi comme la simple volonté de casser les attentes jusqu’à, malheureusement, aller briser le mythe et notamment celui de Luke Skywalker. Car oui, Star Wars est une saga mythique, ses histoires sont à présent vues comme des mythes intégrant notre monde et l’audace honorable des studios les a fait agir sans comprendre ça. Au contraire, ils prennent les succès commerciaux comme acquis et profitent de leur position de quasi-monopole du marché pour déconstruire le mythe et tourner en dérision des éléments justement présentés comme un héritage dans le précédent film : la force présumée de Rey, son ascendance, le Sabre de Luke, la puissance du côté obscur au sein de Snoke et Kylo. C’est d’autant plus choquant que malgré l’exil de Luke qui sonnait étrange dans l’épisode VII, dans l’ensemble ce qui était raconté ne prédisposait pas du tout à ça. La première scène du film : Poe qui troll Hux de manière très lourde puis quand on reprend à notre cliffhanger et que Luke balance le sabre - c’est comme si on crachait littéralement sur le film précédent. C’est bien de vouloir surprendre, mais c’est sympathique aussi de voir des choses s’accomplir, quand on déconstruit quelque chose c’est qu’on a autre chose à proposer. Et là ? Certes le film n’est pas vide de sens mais en essayant de rediriger la façon dont on voit le combat entre le premier ordre et ceux qui sont à présent des rebelles il invalide le propos du 7. Or le plus gros reproche fait au 7 était de reposer sur les bases des précédents, de ne rien donner à ses personnages en terme de pathos, de profondeur, donc on en déduisait que sa force allait reposer sur la suite de l’histoire. Ce que ça voulait dire c’est que l’épisode VII était appréciable comme entrée en matière de cette nouvelle trilogie et qu’on allait pouvoir le juger à posteriori. Et bien à présent, oui, Star Wars : The Force Awakens sonne alors très creux.
Vers la série TV
Sur bien des aspects, cet épisode VIII rappellera un épisode de série TV. Depuis Game of Thrones, la mode est à la surprise de telle ou telle mort absolument pas méritée et j’ai clairement eu l’impression que le désir principal derrière ce film était de tout prendre à contrepied. Luke est une légende ? Oui mais il s’est détourné de la force et ne veut entraîner personne. “Phasma aura un rôle plus important dans cet épisode” : MDR ! Snoke est tellement puissant qu’il influence son apprenti et une fille inconnue à leur insu et maîtrise très bien la télékinésie. Bam, haha tu t’y attendais pas hein ? Rey se dirige-t-elle vers le côté obscur ? Oui ? non , bah non. Aucun risque. Luke va affronter tout le monde ça va être mega stylé ! Je vous laisse imaginer la déception. Mais ce qui fait le plus penser à la série TV est la situation de stase de la résistance qui nous embarque dans des considérations de distance de tir et de carburant qui arrivent de nulle part dans l’univers Star Wars et viennent ainsi créer des incohérences au sein de l’univers. L’intrigue entièrement fictive de l’Amiral Holdo est du niveau des séries CW, quant à la quête annexe de Finn et Rose ça pue le remplissage quota-friendly pour nous dire qu’ils sont contents d’avoir libéré des animaux maltraités (mais osef des enfants) et aboutir à un bisou tellement inutile que John Boyega était plus étonné que le public. Et au lieu de rendre Rose utile dans un simple plan d’infiltration dans le vaisseau maître, toute cette quête annexe sert à aller chercher le personnage qui va les trahir. Si on reprochait à Force Awakens de jouer la carte de la coïncidence vertueuse et bien là on a exactement l’inverse, ce n’est pas l’Empire qui contre attaque mais la force qui trolle la résistance. Et c’est clairement dommage car les acteurs se donnent à fond ! Adam Driver est génial, Daisy Ridley surjoue moins qu’avant, Mark Hamill fait ce qu’il peut avec un Luke qu’il déteste, Andy Serkis est très bon en Snoke prétentieux ; toutefois le général Hux est transformé en clown, Laura Dern joue très bien mais on sent qu’elle a été mise là par Kathy Kennedy parce que girl power, on oublie le Général Ackbar qui aurait dû avoir son rôle et il fallait bien ridiculiser l’archétype du héro masculin incarné par Poe ! Chaque bonne chose est contrebalancée par une déception !
La réalisation
Les détracteurs le diront tous, la réalisation est splendide, la photo est très travaillée avec des cadres tantôt serrés tantôt larges, un rouge prédominant, parfois trop (salle du trône) et un sens de l’esthétique Star Wars qui se ressent surtout dans l’acte final et l’ultime face à face du Premier Ordre et de la Résistance. De là à dire qu’elle est supérieure à celle de JJ. Abrams c’est entièrement subjectif dans le sens où je préfère sa manière de filmer très dynamique là où The Last Jedi passe une grande partie des combats dans l’espace. Et le problème c’est que la réalisation a beau être léchée, si je ne ressens pas d’émotion derrière et bien la scène ne me fait rien ressentir donc le joli plan tombe à l’eau. Je suis beaucoup plus touché par la scène de la découverte de Rey sur Jakku, la destruction du système de la République, la mort d’Han Solo ou la scène finale avec Luke dans Force Awakens que n’importe quel plan de The Last Jedi qui, en plus, ne parvient jamais à sublimer la musique comme le faisait l’épisode VII.
L’histoire d’un mec qui voulait faire son film en ignorant le reste
- Où sont les putains de chevaliers de Ren ?
- Ça coûte quoi un vrai flashback de la naissance de Kylo comme apprenti Sith ?
- Rey va-t-elle devenir actrice de son histoire ?
- Leïa ? Juste … Leïa ?
- L’utilité de Yoda, malgré que la scène fonctionne en elle-même ?
- La gravité, la pression ambiante et la respiration dans l’espace on est toujours ok ?
- Les utilisateurs de la force étaient des Jedi par entrainement, aujourd’hui la force donne sa capacité à des gens de manière
arbitraire ?
- C’est quoi le projet de faire des blagues sur la réunion de Luke avec Leïa et C3PO ?
Les opportunités manquées
- Un affrontement qui fait participer Luke et son sabre vert.
- Rey qui se forme réellement à la force et comprend d’où elle tire son pouvoir et comment le maîtriser ou qui s’y laisse entraîner et tombe dans le côté obscur, des schémas copiés de Anakin ou Luke mais qui ont un sens et évitent la critique “Mary-Sue”.
- Faire de Phasma une vraie méchante – avoir des personnages féminins du côté du Premier Ordre.
- Un sacrifice de Luke, Leïa ou Ackbar pour marquer le coup de la fin de ces figures mythiques plutôt que de tuer miss féministe et les nouveaux personnages.
- Un retour de Anakin jeune comme dans le Retour du Jedi par souci de continuité. Étonnant d’ailleurs qu’il ne vienne pas voir Kylo.
- Raconter l’histoire du Sabre de Luke ou le voir s’interroger un minimum sur sa réapparition.
- Luke qui encaisse la mort de Han.
- Rose qui en tant que technicien est utile au plan dans le vaisseau de Snoke.
- Kylo qui se sert de la force en combat.
- Un flashback de la trahison de Kylo au temple pour être raccord avec le teasing dans le 7.
- Faire une histoire réellement sombre en évitant de mettre des blagues à la Marvel.
Ma critique ne repose pas sur l’absence de ces points car ça serait juger le film sur mes attentes ; ça serait prétentieux mais je souhaitais les indiquer pour mesurer l’étendue de ma frustration par rapport à ce qui pouvait être fait.
Jusqu’à présent j’ai apprécié tous les Star Wars. Avec The Last Jedi j’ai l’impression que le seul désir de la production était de prédire les attentes des spectateurs pour volontairement nous couper l’herbe sous le pied, et ce n’est pas nécessairement la recette d’un film bien écrit. Résultat, Star Wars IX : Revenge of the JJ, est un double-film, obligé d'ignorer le 8 pour tenter d'apporter une conclusion satisfaisante à la saga.
PS : cette critique a été écrite peu après la sortie du film mais elle arrive plus tard, une fois décidé à entreprendre diverses modifications en raison du blocage automatique par le filtre anti-spam de SensCritique.