Il y eut la force qui lie toute chose. Puis il y eut des êtres pour l'utiliser. Certains s'en servirent pour accroître leur pouvoir et d'autres pour développer leur sensibilité à la vie.
Il y eut un ordre jedi. Avoir bien des millénaires de conflits entre les sith, leur pendant sombre, et les membres de l’ordre lumineux, il y eut un Nouvel Ordre. Tâchant de faire front, il y eut les vestiges de la République. Loin de tout, au cœur d’une île perdue sur une planète au milieu de nulle part, demeurait en sa paisible retraite le dernier jedi...
Après un épisode VII quelque peu déstabilisant, voici venir le VIIIème opus qui rend une bonne partie de ses lettres de noblesse à la célèbre saga galactique.
Une scène de bataille spatiale ouvre le bal avec un pilote tellement talentueux sur le manche de son X-wing qu'on pourrait le croire animé par la même force que feu Vador. Mais cette scène plonge d'entrée le spectateur dans le maelström d'images qui va suivre. Cependant, le réalisateur, en cette époque de visuels frénétiques où les temps morts n'existent guère, va parvenir à instaurer quelques interstices au sein desquels Rey et Luke vont pourvoir interagir plus posément. Ce qu'est la force va de nouveau être abordé, avec la sensation persistante que les clins d’œil sont davantage une crise d'épilepsie oculaire qu'un simple clignement de paupière. Je ne suis pas contre, mais il faut reconnaître que les références sont légions.
La survenue de Yoda sous une forme quasi matérielle est à cet égard peut être un peu trop marquée. Plus tard, la même technique que semble appliquer Luke face à des quadripodes du nouvel ordre apporte une touche humoristique bienvenue.
Entre moments de réflexion et scènes où les explosions se déchaînent, il y a là une relatif équilibre qui m'a séduit. Mais ce que les Derniers Jedi apporte en plus, c'est une palette de personnages qui ont pris de la densité. Rey apparaît plus mature, même si ses questionnements foisonnent, Finn n'est plus le bouffon burlesque de l'opus précédent (ça soulage !) et Kylo Ren quitte enfin sa crise d'adolescence. Bon, Luke est à la fois déstabilisant et magistral, surtout dans la seconde partie du film avec un épilogue qui m'a collé des frissons. Je demeure toujours dubitatif sur la potentiel de Snoke, qui outre son apparence numérique discutable, n'est guère effrayant en suprême leader.
Je préfère ses gardes pourpres qui s'avèrent redoutable lors d'un combat contre Rey et Kylo Ren qui offre de jolis moments de bravoure.
Tant qu'à parler de scènes stupéfiantes, je songe à un moment où le vaisseau rebelle passe furtivement en vitesse lumière pour éperonner le super destroyer, les images apparaissent somptueuses !
Des scènes fabuleuses, il y a beaucoup dans cet épisode, ne serait-ce que la bataille sur cette plaine qui évoque la planète glacée Hoth, où le blanc immaculé côtoie le rouge sang. Elle ne manque pas de sel ! Les rebelles s'avèrent toujours aussi téméraires, fonçant dans de frêles esquifs à la rencontre de quadripodes à l'allure de gorilles tout à fait réussis. Mais les images sont efficaces, à plus forte raison car je n'ai pas relevé autant d'erreurs que dans l'épisode VII où les incongruités abondaient.
Bon, je fais l'effort de ne pas trop me rappeler cette scène ridicule où Leia et son état-major sont projetés dans l'espace suite à une explosion et où elle revient dans le vaisseau, quoique gelée, en faisant montre d'une maîtrise de la force totalement surréaliste.
Je conserve donc à l'issue de cette séance un excellent souvenir d'un film de science-fiction où l'action, la réflexion, la continuité par rapport à l'univers SW et l'humour ont été dosés avec davantage de soin que par le passé. Il semblerait donc que la souris souveraine ne soit pas encore totalement passée du côté obscur de la force et laisse à ses jedi réalisateurs une once de latitude (comme l'avait brillamment montré Rogue One).