Pourquoi Les Derniers Jedi est un des meilleurs Star Wars

Star Wars : Les Derniers Jedi... Je n'arrêterai jamais de défendre ce film et je réécris régulièrement cette critique au gré des nouveaux commentaires et avis négatifs qui continuent encore aujourd'hui d'inonder la toile - alors que le film est quand même sorti il y a sept ans. En effet, à mon grand désespoir, un consensus s'est progressivement construit contre cet épisode VIII signé par le réalisateur américain Rian Johnson (Looper, Knives Out).

Dans cet univers si singulier qu'on appelle la fanbase Star Wars, où l'on juge un film non pas sur la base de ses qualités intrinsèques, mais en fonction de sa cohérence avec le "lore", la postlogie Disney est marquée du sceau de l'infamie.

À l'inverse, la prélogie de George Lucas a, semble-t-il, été totalement réhabilitée : autrefois vilipendé par à peu près tout le monde, La Revanche des Siths, ses dialogues insipides, sa mise en scène mollassonne et ses combats interminables, étant même considéré par certains comme le meilleur épisode de la saga. Bon... ça donne de l'espoir pour le film qui nous intéresse ici, devenu la bête noire des fans, l'épisode le plus conspué de cette grande fresque galactique que l'on chérit tant.

Mais je m'éloigne.

Star Wars : Les Derniers Jedi est, selon moi,- accrochez vos ceintures - l'un des meilleurs films de la saga et, sans doute, ce que Disney a fait de mieux depuis le rachat de Lucasfilm (avec la série Andor).

Voilà... Vous êtes toujours avec moi ?

Le virage à 90° que propose Rian Johnson est audacieux - tout le monde en convient - mais il est surtout riche de sens. Le développement du personnage de Luke Skywalker, cette figure mythique dépassé par son propre mythe, qui déçoit les fans de la première heure qui ont attendu son retour pendant tout Le Réveil de la Force, est une idée lumineuse et salvatrice. Johnson questionne notre rapport aux héros et, surtout, notre tendance à l'adulation.

Oui, le dernier Jedi n'est plus que l'ombre de lui-même, mais il n'a pas besoin d'être plus que ça : Luke n'est plus un homme mais une légende, qui compte moins pour ce qu'il a fait que pour ce qu'il incarne. Un héros, ça n'est rien de plus que ça, nous signale Rian Johnson : une source d'inspiration, un symbole, une image...

C'est beau, c'est poétique et c'est surtout très bien amené dans cette séquence finale, où Luke projette, justement, sa propre image sur la planète Crait pour détourner l'attention de Kylo Ren. Le Jedi parvient à le vaincre sans même le combattre. Luke le sait désormais : sa seule arme véritable, la seule qui compte réellement, ce n'est pas son sabre laser, c'est son image, sa légende. La classe ultime.

Et, comme tout le reste du film, la mise en scène de ce grand final frappe par sa finesse. J'aime beaucoup le fait que Rian Johnson ne "triche" pas : le réalisateur parvient à embobiner le spectateur sans cacher particulièrement le fait que Luke n'est qu'une projection. Il laisse effectivement tout un tas d'indices par-ci par-là pour le spectateur, comme le fait que le Jedi ne laisse aucune empreinte sur le sol de la planète, qu'il survive aux bombardements et aux tirs du Premier Ordre, ou qu'il ait l'air beaucoup plus jeune pour rappeler à Kylo Ren le souvenir de son ancien maître.

Tout est là et, pourtant, on se laisse avoir.

Et que dire de la relation entre Rey et Bon Solo, développée tout au long du film ?

Intime, profond, secret, ce lien qui se tisse à l'ombre du maître, entre ces deux jeunes âmes qui ne cherchent qu'à se sauver, et cette main tendue lorsque Ben Solo demande à Rey de le suivre dans sa volonté de détruire le passé.

Encore une fois, Rian Johnson rebat les cartes avec brio : on se surprend à espérer que Rey saisisse cette main tendue, qu'elle s'enfuie avec Ben pour échapper à cette guerre, à cet héritage trop lourd à porter, à ces mythes qui prennent toute la place et qui les écrasent, pour enfin construire quelque chose de nouveau.

Seuls, perdus, cherchant désespérément leur place dans cette galaxie, Rey et Ben Solo sont sans doute les personnages les plus intéressants : Daisy Ridley campe un personnage à la naïveté touchante - la scène de la grotte est une merveille de mise en scène - et que dire d'Adam Driver ? Ténébreux, écorché vif et impérial, le Supreme Leader apparaît pour ce qu'il ne semblait pas être aux premiers abords : le grand méchant de cette nouvelle trilogie (l'épisode IX n'existe pas...).

Pierre angulaire du film, la révélation sur l'identité des parents de Rey est un tour de force. C'est un choix salvateur, surtout dans une saga qui a fait de la filiation son sujet phare, obsédée par l'origine, les liens du sang, parfois à la limite de la consanguinité.

J'en veux pour preuve ce joyeux roulage de patin entre frère et soeur dans L'Empire contre-attaque, qui confirme que, non, Lucas n'avait pas "tout prévu" quand il a imaginé La Guerre des étoiles, et que, oui, même les épisodes de la trilogie originale se contredisent entre eux - Leïa passant de love interest de Luke à frangine - et que ça ne les empêche pas d'être géniaux.

Si besoin est de le dire : raconter l'histoire d'un personnage sans origine particulière et sans liens de sang avantageux, dans une saga qui a jusqu'à présent tourné autour d'une famille "puissante dans la Force", montrer que ce protagoniste peut devenir un grand Jedi, c'est important et c'est bien plus cohérent avec l'universalité du message que la saga a toujours porté.

Critiquer cette rupture bénéfique au nom d'une prétendue "cohérence" avec l'univers étendu, avec ses codes et ses règles, c'est être du mauvais côté de la barrière, du côté obscur de la Force.

Si cette critique a déjà de quoi m'attirer les foudres des fans de Star Wars et de leur légendaire ouverture d'esprit, je ne pousserais tout de même pas la provocation jusqu'à dire que l'épisode VIII est dénué de défauts.

Petit disclaimer : je parle de vrais défauts. Si la seule chose que vous ayez à reprocher au film, c'est que la "technique Holdo" - qui consiste à foncer dans une flotte ennemie avec un croiseur à la vitesse de la lumière - n'est pas cohérente avec le reste de la saga (immense foutaise par ailleurs, comme si c'était une stratégie viable de sacrifier un croiseur entier dans un attentat suicide), alors j'ai le plaisir de vous annoncer que vous n'avez rien à reprocher au film !

De vrais défauts, le film en a. L'humour d'abord, qui "désamorce" la noirceur du film qui est effectivement très sombre puisqu'il raconte, entre autres, comment Luke a, l'espace d'un instant, imaginé tuer son neveu dans son sommeil et la façon dont la Résistance a été persécutée par le Premier Ordre, jusqu'à ce qu'il ne reste qu'une poignée de rebelles en fin de film.

Assumer le caractère sombre du film, dans la droite lignée de l'épisode V, aurait peut-être été plus judicieux que de parsemer les séquences de gags qui, certes, parfois font mouche, mais sont à d'autres moments carrément douteux (cf. Poe Dameron qui insulte la daronne de Hux... No comments... Ou, mieux encore : ce gag visuel que je n'explique toujours pas, où Johnson s'est amusé à filmer un fer à repasser pour faire croire à un vaisseau qui atterrit... C'est poussé la déconstruction du mythe Star Wars un peu loin...)

Ensuite, l'arc Finn-Poe-Rose, qui est moins inspiré que le reste du film, notamment à cause des petites incohérences qu'il charrie. L'occasion pour moi de revenir sur cette pauvre amiral Holdo et de céder sur un point : non, il n'est en effet pas "cohérent" qu'elle cache son plan aux restes de son équipage ou, en tout cas, aux autres commandants dont on voit bien qu'ils se demandent ce qu'elle fiche.

Mais bon, il faudra un jour parler des incohérences dans l'univers Star Wars et, même, dans la trilogie originale où une arme de destruction massive a un joli point faible tout indiqué, un petit trou dans lequel il n'y a qu'à tirer pour carrément la faire exploser (cf. L'étoile noire dans l'épisode IV), où Vador obéit à Tarkin dans La Guerre des étoiles et puis semble être devenu le maître incontesté de l'Empire (après Palpatine) dans la suite, et, mon chouchou, de cet ingénieux plan d'infiltration dans le palais de Jabba qui consiste à faire genre qu'on a un plan, puis à tous se faire capturer les uns après les autres pour finalement improviser le sauvetage de Han à la dernière minute (cf. Le Retour du Jedi).

Si vous trouvez que je pinaille, que dites-vous des fans qui pointent du doigt l'attaque-suicide de Holdo pour son "manque de cohérence" avec le lore des tactiques militaires de la Rébellion. Que ceux qui ont gardé l'esprit critique le reconnaissent : si elles avaient été dans la postlogie, les fans n'aurait pas pardonné une seule des incohérences de la trilogie originale.

Bref, j'ai bien trop écrit. Star Wars fait partie de ces films dont il est difficile de parler sans parler de quinze autres films, séries, jeux vidéos tant cet univers est riche et les oeuvres qui le composent interdépendante.

En conclusion, je persiste et je signe : Les Derniers Jedi est une merveille de film, à la narration audacieuse et au message salvateur, un des meilleurs Star Wars de la saga, meilleur que toute la prélogie. Je le pense très sincèrement. Si des fans passent par là, l'espace commentaires est ouvert pour tout ce qui est menaces et insultes.

Pierre-Yves_Georges
8

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Créée

le 24 déc. 2017

Modifiée

le 16 août 2024

Critique lue 214 fois

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