[ATTENTION SPOILERS] Ceci est, potentiellement, le cinquantième article que vous lisez sur Star Wars, ou qui passe sous votre nez. C’est inévitable, depuis le début du mois, vous ne voyez que ça, ces mêmes visuels, ces mêmes retours de critiques qui annoncent ce raz-de-marée venu d’une autre galaxie. Mais cela fait déjà deux ans qu’ils nous tenaient en haleine, plantés face à ce statu quo et ces innombrables questions que l’on se pose à propos de ces nouveaux personnages et de cette intrigue qui s’est lancée dans Le Réveil de la Force. Les Derniers Jedi est venu plein de promesses et, comme on pouvait s’y attendre, il divise, déchire encore plus cette communauté de fans qui ne sait plus quoi penser. Mais, justement, que penser des Derniers Jedi ?


Après toutes les pistes lancées par JJ Abrams dans le déjà controversé Réveil de la Force, l’heure était aux révélations tant attendues. Que va faire Luke ? Que va faire Kylo Ren ? Qui est Snoke ? D’où vient Rey ? Comment la Résistance va tenter de s’imposer ? Rian Johnson, le réalisateur de Looper, est en charge d’apporter au moins une partie des réponses à ces questions. Et la tâche n’était pas simple, après les nombreuses critiques formulés à l’égard de l’épisode VII, notamment pour ses similitudes avec l’épisode IV. Pourtant, Rian Johnson tient son pari, avec un film visuellement impressionnant, captivant dès le début avec cette scène épique où la Résistance attaque des vaisseaux du Premier Ordre. La sauce prend immédiatement, on est bien devant un Star Wars. Car faire un Star Wars n’est pas si simple, c’est un exercice périlleux qui nécessite de se conformer à des codes spécifiques et de s’adapter à un univers devenu mythique au sein de la sphère cinématographique. Rian Johnson parvient à suivre cette voie et, mieux, se permet quelques transgressions, au risque de désarçonner, provoquant tantôt des moments d’émerveillement, de stupeur, et d’agacement. Pour expliquer cela, je vais faire référence, notamment, à trois éléments du film.


L’émerveillement : le sacrifice du vice-amiral Holdo. Cette scène est probablement la plus belle du film, visuellement parlant et, plus généralement, d’un point de vue sensoriel. L’explosion, d’un blanc éclatant, en contre-plongé, totalement muette, coupe littéralement le souffle du spectateur, installant un silence intersidéral laissant place à l’admiration et à la contemplation. Au-delà de l’aspect scientifique (dans le vide spatial aucun son ne circule), c’est l’apogée d’un travail esthétique du réalisateur, qui travaille beaucoup sur les lumières et les couleurs pour installer le contexte d’une scène.


La stupeur : la mort de Snoke. Qui s’y attendait ? Probablement personne, du moins pas à cet instant. Le Suprême Leader, qui commençait à montrer les signes d’une puissance colossale et invincible, meurt tué par son disciple, en plein milieu du film. Décevant pour beaucoup, c’est surtout un choix audacieux, qui montre que Rian Johnson ne veut pas juste suivre le schéma des autres trilogies, et qu’il ose prendre des choix qui laissent le spectateur dans le doute. C’était inéluctable, la mort du Suprême Leader faisait partie des plans de Kylo depuis le début, le Premier Ordre importe peu pour lui, car c’est avant tout une organisation qui le manipule mais qui lui offre aussi une couverture, cependant, le but final de Kylo Ren est l’anéantissement de toutes les forces en opposition dans la galaxie, et pour cela, Snoke devait mourir tôt ou tard, ce qui arriva dès la première opportunité, ce qui est un choix surprenant mais pas si illogique.


L’agacement : Rose. Ce nouveau personnage fait ici son apparition, et on se demande pourquoi. Elle ne crée par vraiment d’empathie et, au contraire même, énerve par le côté extrêmement cliché qui réside dans son écriture, lequel trouve son apothéose lors de sa petite tirade devant Finn lors de la bataille finale, la ponctuant d’un évanouissement qui ferait rougir Marion Cotillard. Les choix pris par rapport à ce personnage demeurent mystérieux, tant le film semble vouloir jouer la surprise et les électrons libres, et qu’il rassemble tous les stéréotypes possibles dans ce personnage.


Ces trois points permettent de résumer ce qu’est Star Wars Episode VIII : Les Derniers Jedi : un inclassable. Capable de fulgurances spectaculaires, il peut aussitôt retomber comme un soufflé mal cuit. De qualités, il n’en manque certainement pas. Bien mené dans sa globalité, il se permet des clins d’œil, d’amener de nouveaux éléments à propos des Jedi et de la Force, mais il s’avère aussi étonnant par moments, comme lors de la scène où Leia vole dans l’espace, ou sur tout l’arc concernant le passage sur la planète du casino. Certains éléments ne peuvent nous empêcher de sortir du film brièvement, pourtant d’autres nous émerveillent et nous surprennent. En réalité, le film est à l’image de ce qu’il met en avant, c’est à dire une certaine ambiguïté. En voulant jouer sur tous les tableaux, il maintient une sorte d’équilibre qui ne le rend ni foncièrement mauvais, ni absolument génial. Quand on sort de la salle, il est difficile de trancher, et on est surtout dans l’interrogation.


En effet, si les spectateurs espéraient des réponses ou des éléments de réponses aux questions qui les taraudaient à l’entrée dans la salle, ils ne s’attendaient certainement pas à autant de dénouements et de résolutions dans cet épisode intermédiaire. Rian Johnson parvient à créer un film sombre ayant quelques touches d’humour bien placées, il continue de rendre hommage et honneur à la trilogie originale tout en continuant de développer la nouvelle, notamment au travers de la construction de la légende de Luke et la montée en puissance inexorable de Kylo Ren, encore plus intéressant que lors de l’opus précédent. Ainsi, on arrive à la fin et on se demande : qu’est-ce qu’ils vont bien pouvoir raconter dans l’épisode IX ? Luke a rejoint la Force, Snoke est mort, la Résistance est quasiment détruite… Rian Johnson a en tout cas réussi son pari, et si tout semblait limpide lors de l’épisode VII, nous n’avons jamais été autant dans le flou. Mais l’idée d’un Luke spectral guidant Rey dans sa quête, et la présence d’un « méchant » qui ENFIN ne cherche pas à détruire la galaxie pour son propre pouvoir, mais bien pour rétablir l’équilibre, et qui n’est ni vraiment méchant ni vraiment gentil, promettent de bonnes choses pour un épisode IX qui sera, pour sûr, surprenant.

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le 20 déc. 2017

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