Trish, une jeune journaliste américaine (jouée par Margaret Qualley) bloquée, donc en situation difficile, au Nicaragua (parce que son passeport lui a été confisqué suite à un article dans lequel elle dénonçait, en pleine période d'élection/ré-élection présidentielle, les séquestrations et pendaisons arbitraires ayant lieu dans le pays) rencontre, dans la cafétaria d'un grand hôtel de la capitale Managua, un voyageur anglais de belle et séduisante apparence (joué par Joe Alwyn) qu'elle suppose susceptible de l'aider à quitter le pays, précisément : à prendre un avion la ramenant aux USA. N'hésitant jamais à jouer de ses peu résistibles charmes, grâce à quoi elle n'a pas trop souffert jusqu'à présent de sa situation de journaliste mal vue des plus hautes autorités politiques du pays (elle a baisé avec un vieux vice-ministre nicaraguayen et baise toujours avec un jeune lieutenant de l'armée nicaraguayenne, qui tous deux, lui étant attachés, la protègent, autant que ce peut, de mesures de rétorsion trop radicales du pouvoir en place), elle les offre rapidement, moyennant finances (l'habitude aidant) à l'élégant Anglais, et peu à peu réalise que, ce faisant, elle n'a fait que rendre encore plus précaire sa situation à Managua et dans le pays. Daniel DeHaven, le bel Anglais, dont la situation personnelle se dégrade aussi brutalement que bizarrement, ne peut bientôt plus lui offrir que ses bras, ses reins, voire son amour, un amour partagé, mais qui n'arrange pas la situation des deux amants (pour Trish, c'est même plutôt le contraire, car le vieux vice-ministre qui, jusque là, la protégeait, a été informé de ce qu'elle a maintenant "quelqu'un"). Trish et Daniel vont-ils parvenir à se sortir du pétrin dans lequel ils se sont mis ?
Stars at Noon est annoncé comme : 1. un thriller, 2. une romance, 3. un drame, et il coche vraiment les trois cases.
- Le thriller n'est pas facile à comprendre ; peut-être est-il (volontairement) mal explicité ? Il repose sur la personne de Daniel, dont on met du temps à comprendre qui il est vraiment : un cadre supérieur de la Watts Oil company ? Ou pas seulement ? Et dans ce cas, quoi... qui expliquerait que les administrations américano-nicaraguayennes s'intéressent à lui de si près ?
- La romance , c'est la partie la plus apparente du film. Elle repose sur la crédibilité du couple Trish/Daniel et, pour ma part, je trouve que l'alchimie entre Margaret Qualley et Joe Alwyn fonctionne. Elle, brune, fine et piquante ; lui, blond-roux, peau laiteuse et WASP (White Anglo-Saxon Protestant) bien baraqué. Sexuellement et amoureusement, ça marche bien entre eux. Et la façon à la fois "moite" et néanmoins relativement chaste, dont Claire Denis filme leurs ébats passionnés, m'a personnellement convaincu.
- Le drame est progressivement tressé avec la romance et le thriller. Il figure d'abord en pointillé et puis devient de plus en plus pressant, au fur et à mesure du développement de l'intrigue et tandis que les deux amants subissent la pression toujours plus accentuée des forces dominantes du pays. Vont-ils parvenir à quitter le Nicaragua ? Vont-ils rester unis face à l'adversité ? Leur amour résistera-t-il aux forces centrifuges (police du pays travaillant main dans la main avec la CIA) qui s'exerce sur et contre lui ? Et qu'est-ce que la CIA a à faire dans tout ça ?
Thriller, romance, drame : je ne sais comment les ordonnancer. Le déroulement du film est assez lent, mais c'est parce que les fils de l'intrigue sont relativement emmêlés et les deux personnages principaux sont peu bavards et assez énigmatiques, un peu comme si chacun avait peur de trop en dire à l'autre. Mais ils s'aiment. Jusqu'à quel point ? Jusqu'où va leur compatibilité ? Et quand on aime l'autre, qu'est-on prêt à lui donner en échange de cet amour ? Combien de soi ?
Beau couple qu'on prend plaisir à regarder s'aimer (dans un lit ou dans l'adversité), bons acteurs, bon film (intéressant, à la fois sensuel et intellectuel) de Claire Denis, probablement la meilleure réalisatrice française actuelle, et Grand Prix à Cannes 2022 parfaitement mérité.
Je recommande le film à tous ceux qui vont au cinéma certes pour se divertir, mais pas seulement.