Il est toujours intéressant de constater à quel point un film peut diviser les visionneurs et engendrer plusieurs types d’opinions et de réactions différentes. Souvent, la manipulation du second voire du troisième degré nous amène à comprendre de travers une œuvre et passer à côté de bon nombre de réflexions, de points de vue ou de questionnements intéressants. Starship Troopers à sa place légitime dans ce champ de particularités et s’insère parfaitement dans le rang des pièces incomprises et sous-estimées. À première vue dénué de toute revendication et prise de position de son réalisateur, le film semble renvoyer chez certains l’image d’un film de baston brutal à part entière, et se résumant par : « des marines sont dépêchés sur une planète infestée d’aliens insectoïdes pour tous leur botter le cul ».


C’est effectivement le pitch principal.


Cependant, il faut plonger plus en profondeur et analyser chaque minute d’une scène pour comprendre que de nombreux messages et critiques acides sont mis sur la table. La société dépeinte dans Starship Troopers est un monde ultra patriotique à l’intérieur duquel les citoyens évoluent dans une logique de formation militaire dans le but d’un jour servir leurs nations. Les hommes ont commencé à coloniser l’espace, mais un système en particulier est envahi d’une espèce d’alien rendant toute opération d’installation impossible.
C’est ainsi que nous rentrons dans la vie de Rico, jeune américain encore dans les études, rêvant d’un jour aller participer aux opérations militaires spatiales.


L’intelligence du film ne réside pas dans le scénario de base, mais commence par la caricature d’un embrigadement évident d’une population et un lavage de cerveau élaborés par l’intermédiaire de spots publicitaires et de journaux de propagande visant chaque individu afin de le convaincre de servir la nation. Dès le début du long métrage, nous plongeons effectivement dans un monde apparemment auréolé d’idéalisme et en termes de caricature, la recette ne laisse aucun ingrédient sur la touche. Tout y est : les enfants écrasent des insectes censés représenter la menace parasite de l’espace, l’image de la femme au foyer heureuse mais passive qui assure l’éducation de sa progéniture, le jeune qui prône ses motivations pour s’engager un flingue à la main, des palanquées de marines en démonstration pour promouvoir la force militaire du pays, bref autant d’images pouvant capter les icônes essentielles d’une société pleine de préjugés et de stéréotypes qui planent d’ailleurs dans notre monde réel.


Face à cet environnement qui dresse un parcours préétabli, de la jeunesse, Rico et ses potes évoluent donc dans un système éducatif militarisé donnant lieu à des scènes surréalistes et comiques de par leur décalage improbable avec la réalité. Le choix des acteurs n’est pas non plus anodin est suit la logique d’une société bourrée de clichés tordants à voir : mâchoire bien carrée chez les hommes, cheveux courts, souvent blond (aryen ?) corps bien musclé puant la testostérone, tandis que la femme répond à toutes les normes observées dans les publicités. Ce sont des mannequins englobés dans une vie déjà toute tracée avec un intellect bridé, empêchant la construction de tout autre projet personnel. À la manière du nazisme (dont les ricains ont fait la guerre), la population est ainsi soumise à un moule d’existence qui régule la pensée et l’existence.


Continuant son processus de caricature, le réalisateur déconstruit bon nombre d’autres représentations du monde conformiste face auquel nos personnages sont soumis. Certaines scènes d’affrontement avec le parasite sont exagérément violentes, gores et dénuées de sens, mais leur esthétisme est tel qu’elles vont même jusqu’à donner un sentiment de débilité profond garantissant des effets comiques uniques. Finalement, les combats avec les parasites, bien que conséquents, n’apparaissent qu’en second plan dans le film, qui préférera plutôt dans son ensemble pointer du doigt plusieurs observations qu’il ne faut pas négliger dans le récit. Si l’on ne prête pas attention aux détails, et à la mise en scène, impossible de sortir avec le moindre enseignement. Car les éléments critiques se comptent par poignées : différences sociales, sexualité, usage des armes, choix politiques… autant de questionnements qui sont d’ailleurs d’actualité aujourd’hui.


La richesse du film sera donc à « exhumer », si tant est que l’on veuille faire abstraction de l’aspect brut de décoffrage de la plupart des scènes et s’intéresser davantage à la manière dont elles sont tournées. Comme une succulente pièce de pâtisserie, le film conférera toute sa saveur si l’ensemble des critiques évidentes, et clairement assumées, sont comprises par le visionneur. Le reste du contenu des scènes (le gore et les effets comiques fendards) permettra de saupoudrer de sucre glace l’ensemble de la structure de la pièce, plus subtile qu’elle n’y paraît.


So «Would you like to know more ?»

Bat_Bonnin
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le 14 juin 2018

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Bat Bonnin

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