Dans l'espace, personne ne vous entendra crever

Whaou !


Même après presque vingt ans, Starship Troopers n'a absolument rien perdu de sa hargne. Rarement un tel film aura été si méchant avec ses personnages, si sanglant et si frontal dans sa représentation de la violence. Mais s'en étonner signifie que l'on oublie qui se tient derrière la caméra. Car Paul Verhoeven tient bon la barre, encore une fois, d'un projet qui semble totalement démesuré à l'écran et au sujet hautement abrasif.


Si la violence déferle sans aucune retenue, comme les membres arrachés, les corps suppliciés et le sang qui coule, Starship Troopers se distingue aussi sur ce qui l'anime, des effets spéciaux incroyables, encore aujourd'hui, donnant vie à un déferlement insectoïde ininterrompu digne des armées que Peter Jackson pouvait convoquer dans sa trilogie de l'anneau. Et là, si on pense pendant la séance aux mots guerrier, barbare ou encore énervé, c'est du côté de fabuleux, que l'on est tenté d'aller voir, tant le hollandais enchaîne les assauts furieux, que ce soit en forme de débarquement nocturne ou encore de siège, sur une planète rocailleuse, totalement fou et survolté.


Le spectacle proposé par Starship Troopers est donc total et laisse plus d'une fois sur le cul, tant il brille de manière insolente, tant il est maîtrisé par un Paulo au top de sa forme, et tant celui-ci prend un malin plaisir, tout comme un sale gosse, à martyriser ses militaires livrés à eux-mêmes.


Si ses qualités techniques et de pur entertainment suffiraient à elles seules à hisser l'oeuvre de Verhoeven au firmament, s'intéresser à son discours à peine voilé procure une seconde claque, peut être encore plus durable que la première. Car le hollandais reprend à son compte les attitudes et formes propagandistes pour mieux les tourner en dérision et les vomir à la face d'une Amérique qui, dès 1997, commençait à lentement dériver. Comme dans Robocop, les multiples flashs de désinformation suspendent l'action, prophétisant l'instantanéité d'une information orientée et décérébrée, n'hésitant pas à goûter au ridicule par le biais d'une censure crétine qui montre complaisamment les corps suppliciés et le sang, tout en évitant aux âmes sensibles d'être spectatrices de violence animale.


Les engagés, eux, sont totalement dépersonnifiés et interchangeables, invités à prendre part au conflit aux côtés de Barbie Denise et de Ken Casper semblant tout droit sortis d'un soap inepte. Considérés sans se cacher comme de la chair à canon par Verhoeven, ceux-ci gagnent leurs galons au gré des morts des disparitions de leurs supérieurs ou de leurs exploits éphémères. Aucune identification, aucun affect, le spectateur reste froid à ce qui peut leur arriver. En une seule occasion, ou plus précisément, avec un seul personnage, Verhoeven paraît renouer avec son côté romantique, celui de Dina Meyer, dont les élans amoureux, la mort et la cérémonie funèbre sont les seuls instants clairement dénués de second degré.


Quant au monde dépeint, il ressemble dangereusement à un régime fasciste vu à travers l'acide du regard du réalisateur. Son symbole allant même voisiner celui du reich, jusqu'à surgir sur le drapeau, comme son imagerie qui n'est jamais très loin. Difficile, en ces temps de politiquement correct et de stérilisation du (non)propos, d'imaginer qu'un tel film puisse encore voir le jour. Comme il était déjà étonnant, à l'époque, que le projet ait été greenlighté par une major qui a laissé les mains libres à son hollandais violent de réalisateur fantasque.


Il est enfin extrêmement troublant de voir Starship Troopers avec nos yeux d'aujourd'hui, quand certaines images apparaissent funestement prémonitoires, tant les visions et exagérations du trublion se sont révélées justes. Ainsi, ces vues de destruction massive en plein Buenos Aires, aux accents d'attentat terroriste, renvoient aux funestes images de l'année 2001, tandis que voir cette jeunesse leurrée partir à la guerre ne peut que se confondre avec la réalité d'un conflit lointain contre l'Axe du Mal aux motifs flous. Il est frappant, enfin, d'avoir froid dans le dos en entendant le discours guerrier du chef de la fédération, tant celui-ci semble avoir déjà caressé les lèvres d'un George Bush Jr. fraîchement élu.


La réalité semble parfois prendre un malin plaisir à dépasser la fiction, même la plus exagérée.


Behind_the_Mask, qui chasse les cafards avec sa bombe de Baygon vert.

Behind_the_Mask
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le 17 déc. 2016

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Behind_the_Mask

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