Sans vouloir galvauder les termes, States Of Grace (titre français du film, sans commentaire…) frappe par une sincérité désarmante et une authenticité bluffante. Même s’il est un pur produit de ce que l’on appelle aujourd’hui, de manière fourre-tout, le « cinéma d’auteur », ce film conserve l’empreinte toute personnelle de son créateur et surprend par sa sobriété et son austérité (rien à voir avec la crise financière je vous rassure). States Of Grace est un film vif et à vif, qui oublie une bonne part des artifices et du glamour de l’art cinématographique, pour nous remettre une œuvre qui, sans être documentaire, parie sur la vérité et la véracité d’une histoire et d’une troupe d’acteurs, pour lesquels la prise de risque semble avoir été la plus grande tentation pour accepter le rôle qu’ils habitent.

Grace est responsable de l’unité court terme 12 (Short Term 12, titre original), un centre d’accueil et de traitement pour adolescents dits « perturbés », en réalité des mômes que la vie, dans tout ce qu’elle peut avoir de cruel, n’a pas hésité à écorcher beaucoup trop et beaucoup trop tôt. Bref, des jeunes qui ont souffert, souffrent et souffriront encore malgré tout l’amour que Grace et ses collègues mettent dans leur sacerdoce. Si Grace appréhende si bien cette vocation (car c’en est bien une), c’est parce-que elle-même a autrefois subit ces insupportables affronts que les adultes peuvent faire à l’innocence de la jeunesse. Et si elle en garde encore les stigmates, elle parvient la plupart du temps à faire de ces plaies à peine cicatrisées, une arme redoutable pour les comprendre ces jeunes, tout particulièrement Jayden, la fille de l’ami d’un ami du directeur. Jayden qui semble être en marche pour suivre le même chemin de croix qu’elle et qui trouvera Grace sur ce chemin, Grace qui fera tout pour lui éviter le pire. Grace qui est parfois aidée par ces jeunes, soudés par une solidarité de la douleur qui, en plus de faire des adultes « l’ennemi commun », les aide à se comprendre les uns les autres.

Caméra à l’épaule, vive mais sans excitation, gros plans voir très gros plan sur les visages pour créer intimité et proximité, Destin Cretton semble vouloir éluder une bonne partie des filtres théâtraux du cinéma de fiction, pour offrir à son film ce supplément d’âme que revêtent les œuvres qui veulent coller au plus près de la réalité. Bien sûr, il ne s’agit pas d’improvisation ou d’images prises sur le vif, mais Cretton a bien compris que l’ennemi de ce genre de film est le pathos et sait à tout prix éviter cet écueil qui condamne systématiquement toute œuvre aux railleries. Il faut donc saluer les performances d’acteurs, adultes ou plus jeunes, tous sont d’une justesse et d’un naturel qui n’a pas de prix. Je rejoins djaevel sur le fait que oui, l’histoire aurait gagné à s’intéresser beaucoup plus à Marcus, grand costaud dur comme la pierre en-dehors, mais boule d’émotion et de sensibilité en-dedans. Et oui, comme djaevel je suis resté assis par son rap en forme de réquisitoire, d’une beauté poétique et d’une violence fulgurantes. J’ai pensé, à ce moment-là, très fort à Eminem qui écrivit une chanson similaire.

C’est vrai que States Of Grace manque parfois de sex-appeal hollywoodien et qu’il s’attaque à des cas déjà vus, comme beaucoup de film traitent de l’amour ou de la famille. Destin Cretton parvient pourtant à nous faire ressentir le fil du rasoir permanant mais tellement riche, que représente chaque journée passée au milieu de ces jeunes capables du meilleur (les dessins pour l’anniversaire de Jayden) comme du pire (le coup de batte de baseball dans le dos de Luis). On ne sort pas indemne et, si les larmes viennent parfois affleurer, cela peut être aussi bien de joie que de douleur. Un « film d’auteur », peut-être. Un film de son auteur, certainement.
Jambalaya
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le 30 mai 2014

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