Ce que Stay Hungry montre bien est la tension entre deux mondes, le nouveau et l’ancien, liée à la revalorisation d’une ville jusqu’alors connue comme « l’atelier du monde » en raison du rôle qu’elle a joué dans la révolution industrielle des États-Unis, en parallèle de celle établie en Angleterre. Birmingham apparaît en effet tiraillée entre des buildings modernes à la pointe de la technologie, dans lesquels s’activent des costumes trois pièces, et des salles de sport vétustes qui s’efforcent de survivre malgré les difficultés du quotidien. L’entrée d’un homme d’affaires dans le club d’entraînement produit alors un court-circuit, en ce que le rachat initial évolue vers une initiation dudit entrepreneur à la culture physique doublée d’une amitié avec Joe Santo, candidat au concours de Mister Univers et donc vedette locale. Une séquence de réception mondaine incarne parfaitement cette tension et transforme Santo en phénomène de foire ; le regard qu’on lui porte ne s’avère guère différent de celui que jetait au siècle précédent une certaine élite parisienne sur la Vénus Hottentote.
Le long métrage se voit aussitôt animé par une force intérieure, résultat de la lutte intestine de deux économies et de deux idéologies qui partagent néanmoins la devise suivante : « pour grandir, il faut que ça brûle ». Devise dont la signification change selon qu’elle s’applique au sacrifice individuel d’un athlète ou aux sacrifices que doit accepter un agent pour s’enrichir et enrichir son entreprise. La clausule truculente, en orchestrant le lâcher des athlètes dans les rues de la ville tels des taureaux après une corrida, propose ainsi de raccorder la ville à ce qu’elle est au plus profond d’elle, de révéler ces corps sculptés par l’entraînement comme ils l’étaient autrefois par le travail industriel. Notons enfin qu’il s’agit du premier bon rôle d’Arnold Schwarzenegger, fort convaincant ici. Une curiosité à découvrir.