Troisième film de l'année 1935 pour John Ford, Steamboat Round the Bend représente aussi sa dernière collaboration avec Will Rogers dont il dira de lui : "Les gens de l'Ouest étaient comme Will Rogers. C'étaient des hommes bourrus et imparfaits, mais beaucoup étaient foncièrement doux et la plupart étaient foncièrement moraux et religieux, comme la plupart des gens qui vivent de la terre".
Ici il nous emmène autour du Mississippi où l'on va suivre un docteur et sa belle-fille qui vont tout tenter pour empêcher la pendaison du fils de celui-ci, alors que son meurtre était en état de légitime défense. Dès les premières secondes et la scène du prêtre sur le bateau, il nous immerge dans une ambiance folklorique pour y suivre des personnages hauts en couleur mais qu'il décrit, bien souvent, avec une immense tendresse, permettant de nous y intéresser puis attacher.
Il trouve toujours le bon ton, évoque avec légèreté la période de l'après-guerre civile, laissant planer un soupçon de mélancolie sur tout le récit et apportant quelques touches d'humours qui marchent bien, voire même dramatiques bien que ce point-là ne soit pas vraiment accentué. La réussite provient autant des personnages que de l'histoire où, si elle est un peu prévisible, elle n'en reste pas moins savoureuse avec cette longue quête pour la liberté qui aura pour point d'orgue une fabuleuse course de bateaux à vapeur. Le traitement des personnages est toujours juste, il ne tombe pas dans un quelconque excès et arrive à trouver une bonne dose d'humanisme dans chacun du trio principal, redonnant même de la dignité à la "sauvageonne". Il n'oublie pas non plus de critiquer l'hypocrisie de certains, la justice mais aussi la religion à travers des piques savoureuses contre les prêcheurs de la parole chrétienne.
Derrière la caméra il trouve toujours le bon équilibre, sachant s'effacer aux profils des personnages et de l'action, sublimant aussi le vrai peuple américain. Il se montre inspiré à l'image des péripéties autour du musée d'histoire tandis qu'il dirige merveilleusement ses acteurs. Will Rogers décèdera peu de temps avant la sortie du film d'un accident d'avion alors qu'il tentait le tour du monde et il livre ici une composition juste sans tomber dans la caricature dans la peau d'un sympathique charlatan, face à lui Anne Shirley et John McGuire sont impeccables.
John Ford se montre particulièrement inspiré dans cette oeuvre qui ne manque pas de péripéties, ni de charme, d'humour ou de mélancolie et où il trouve toujours le bon équilibre entre les différents tons, et personnages, qu'il aborde. Un régal comme on en voit plus...