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Devant les premières minutes de Stella, une Vie Allemande, on ne peut que penser au personnage que Paul Verhoeven avait filmé dans Black Book : même beauté immédiate, Carice Van Houten hier, Paula Beer aujourd'hui, même confession religieuse et mêmes aspirations artistiques.

Kilian Riedhof choisit cependant un tout autre chemin que celui de la puissance et du souffle épique avec lesquels Paul Verhoeven raconte l'Histoire.

Car on s'attend évidemment à ce que Stella choisisse la voie de la résistance au nazisme, au terme d'une première partie de film qui la dépeint en train de chanter, et dans toute son insouciance face à la Bête, qui ne peut la mordre puisqu'elle est blonde, belle et qu'elle « n'a pas une tête de juive ». Stella incarne tout un pan de l'immortalité de cette jeunesse qui ne prend pas garde, imperméable au chaos qui l'entoure et qui pense que tout ira mieux demain.

Sauf que Stella n'emprunte pas cette voie.

Car dans un sourire, elle glisse sans prendre garde, pour ensuite embrasser toute sa part sombre. De victime qui s'ignore encore, la jeune femme devient peu à peu coupable. Pour sauver sa peau et celle de ses parents. En prospérant sur l'inquiétude et la peur de ses semblables. Pour aller jusqu'à l'impensable.

L'expression « la beauté du diable » n'aura jamais autant convenu à la situation. La faute en revient à la sublime Paula Beer, dont le joli minois et les magnifiques yeux bleus font chavirer les cœurs, dont le charme vampirise chaque parcelle de l'image dans laquelle elle apparaît.

Kilian Riedhof visse sa caméra à l'épaule de son actrice, rejetant toute énième représentation fastidieuse de la grande Histoire pour mieux la restituer à travers les yeux de sa formidable interprète principale. Pour mieux sonder son âme qui, à force de regarder dans la noirceur de l'abîme, finit par l'y perdre pour essayer de survivre et d'échapper à la barbarie.

Pour enfin, essayer de comprendre à quel point Stella se persuade du bien-fondé de ses actes, s'inscrit dans un inquiétant déni et réussit, malgré tout, à soutenir son regard dans le miroir de ses débuts d'artiste alors que le poids du passé la rattrape.

Il serait facile de porter un jugement définitif sur ce personnage et l'ampleur de ses compromissions. Riedhof préfère montrer, sans commenter, la difficulté de survivre. Voir une comédienne s'illustrer en incarnant un tel rôle est d'autant plus à saluer que Paula Beer porte le film sur ses seules frêles épaules et réussit à ce que l'on ne la condamne pas immédiatement. Réussissant à ce que le spectateur, à la fin de la séance, se questionne quant à l'attitude qu'il aurait adoptée dans de telles circonstances.

Stella, une Vie Allemande parvient ainsi à livrer une vision originale et intime de la tragédie. L'oeuvre en devient d'autant plus précieuse qu'en ces temps troublés, le fond de l'air renoue avec des relents quasi méphitiques.

Behind_the_Mask, un peu plus près des étoiles.

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le 9 nov. 2023

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