Récompensée l’année dernière à Cannes pour son rôle d’actrice névrosée dans Maps to the Stars, Julianne Moore vient de décrocher le premier Oscar de sa carrière grâce à Still Alice, l’émouvant récit d’une universitaire de haut vol frappée par la maladie d’Alzheimer à seulement 50 ans.
À l’origine, Still Alice est un roman auto-édité en 2007 par la neurobiologiste Lisa Genova. Finalement publié par Simon & Schuster en 2009, le bouquin devient un bestseller mondial. La prévisible adaptation hollywoodienne atterrit dans les mains du duo Richard Glazer – Wash Westmoreland, les réalisateurs de Quinceañera (Echo Park L.A. en français, ne me demandez pas pourquoi), doublement primé à Sundance en 2006.
Ils sont bien gentils Glazer et Westmoreland, mais c’est pas avec leur renommée qu’ils vont réussir déplacer les foules… Et aussi passionnant soit-il, Alzheimer n’est pas le sujet le plus sexy du monde. Alors on va mettre du Alec Baldwin (un peu has been au ciné mais apparemment bueno dans la série 30 Rock), de la Kristen Stewart (qui fait de son mieux – et semble bien partie – pour faire oublier ses années Twilight) et surtout, surtout, l’excellente Julianne Moore.
Si son talent n’est à prouver, l’actrice de 54 ans trouve ici un de ses rôles les plus marquants et sans doute l’un des plus exigeants. Pas évident d’interpréter une prof de linguistique à l’université de Columbia qui, victime de cette maladie incurable et dégénérative qu’est Alzheimer, voit sa mémoire et ses capacités de communications s’effriter. Alors que sa diction et son éloquence faisaient sa fierté, Alice cherche des mots, perd son téléphone, oublie des conversations.
Privée de son travail, confinée à la maison, l’ancienne universitaire se réfugie dans les souvenirs de son enfance, ceux de sa soeur et de sa mère défuntes, qui restent étonnement vivaces. Impuissant, son mari (Alec Baldwin) tente de maintenir une vie de couple ordinaire, en vain, puis se noie dans le travail et s’éloigne inexorablement. Seule sa plus jeune fille, Lydia (Kristen Stewart), la plus marginale, celle qui tente de vivre du théâtre, maintient un contact régulier via Skype. Stewart incarne une jeune femme spontanée et brute de décoffrage avec un naturel désarmant.
Souvent surexposée et jouant sur les flous de profondeur, l’image semble presque trop soignée pour être vraie. Comme si la réalité s’effaçait petit à petit. Filmée en plans rapprochés, Moore interprète magnifiquement une Alice dont l’assurance s’amenuise et qui préfère désormais écouter plutôt que de prendre la parole… sans pour autant arrêter de se battre puisqu’elle répète inlassablement ses exercices de mémoire, pour retarder l’inéluctable. Sa dernière et magnifique conférence – devant des familles victimes de l’Alzheimer et non des étudiants, comme il n’y a pas si longtemps – s’avère une des scènes les plus bouleversantes du film.
Très poignant, le drame de Glazer et Westmoreland n’hésite pas utiliser des techniques tire-larmes éprouvées : les musiques à base de violons, les plans sur des gens en train de chialer, voire quelques moments vraiment pathétiques (qui jurent avec la grande dignité du personnage). Ce manque de retenue boursouffle inutilement le film mais qu’importe, la performance mémorable de Julianne Moore éclipse toutes les pesanteurs de mise en scène. Et la fin est sublime.
(http://www.dailymars.net/inoubliable-julianne-moore-critique-de-still-alice/)