Dans Still Walking, Kore-eda nous emmène dans les bas-fonds de la mentalité japonaise au travers d'une génération qui écoute avec nostalgie des disques des années 70, et qui depuis cette époque a traversé assez d'épreuves difficiles pour se montrer cruelle envers la nouvelle génération.


En effet, Kyohei et Toshiko sont un couple de petits vieux qui reçoit ses 2 enfants et leurs familles pour les 15 ans (?) de la mort du 3ème. Ils vont tantôt faire preuve de méchanceté gratuite par exemple envers l'homme qui doit sa vie à leur fils décédé, et tantôt montrer une belle sensibilité comme lorsqu'un papillon entre dans la maison et se pose sur la photo du fils. La grand-mère s'écrie alors "J'en étais sûre, c'est lui c'est Jumpei !" ce qui suffit à convaincre le fils orphelin de ce dernier, Atsushi, qui regarde avec attention le papillon s'envoler.


Mon coup de coeur dans ce film, c'est Yui Natsukawa qui joue la mère d'Atsushi, veuve maintenant remariée. Elle est incroyable dans son jeu, notamment dans la scène où sa belle-mère lui dit texto : "La mort de Jumpei a fait beaucoup de malheureux, et votre bébé qui venait de naître, quel dommage. Il aurait peut-être été mieux que vous ne l'ayez pas eu." alors que clairement, cet enfant est tout ce qui lui reste de son mari, c'est sans doute grâce à lui qu'elle a pu continuer à vivre, qu'elle a réussi à se reconstruire, à se remarier (avec Ryôta, le frère du mari défunt, mais passons).


Ce nouveau mariage est également remis en question, ou plutôt la paternité de Ryôta, que son fils adoptif appelle Ryô-chan ou bien papa. Il subit des remarques désobligeantes de sa mère : "Tu comprendras quand tu seras père. -Mais je suis père. -Non, mais quand tu auras un enfant à toi." et son père n'est pas non plus sympathique avec lui, lui reprochant de n'avoir pas choisi la voie de la médecine comme il l'aurait souhaité. A plusieurs occasions, le grand-père se met à critiquer les choix d'orientations des uns et des autres, et tente de convertir Atsushi à la médecine. Ce n'est qu'à la fin qu'on comprend d'où lui vient sa frustration.


D'un point de vue réalisation, comme d'habitude, Kore-eda est un virtuose, jouant par exemple avec plusieurs plans, comme lorsque les enfants s'amuse dans le jardin et que le caméraman est "à table" avec les adultes. On s'y croirait. Une autre chose qui est particulièrement bien exprimée dans ce film, c'est la notion du temps qui n'est jamais explicitée. On ne sait pas combien de temps la famille est restée, mais on resent à chaque scène la durée des élipses, et ce grâce au rythme quelque peu rituel de leur séjour, ce qui permet une fois de plus l'immersion. Et puis, la mise en scène un peu théâtrale, avec les entrées et sorties des personnages, y est sans doute aussi pour quelque chose. Le bain que prennent un à un tous les personnages, permet au réalisateur de les isoler et de nous les présenter "à nu" pendant ce moment de détente durant lequel même le spectateur se détend. Et l'immersion est un succès.

Daigo05
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films découverts sur Senscritique

Créée

le 31 mars 2015

Critique lue 229 fois

Daigo05

Écrit par

Critique lue 229 fois

D'autres avis sur Still Walking

Still Walking
takeshi29
9

Un joyau asiatique de plus

Voilà un film tout simplement extraordinaire, qui trouve sa place, dans la tradition japonaise du film de famille, parmi les plus grands comme "The Taste of tea" ou "Yi Yi", pour ne parler que des...

le 11 juin 2011

29 j'aime

4

Still Walking
Docteur_Jivago
8

Voyage à Yokohama

Hirokazu Kore-eda est, à juste titre, souvent présenté comme l'héritier d'Ozu, et Still Walking en est un symbole fort, tant sur le fond que la forme (sans jamais tomber dans le plagiat ou l'hommage...

le 28 août 2020

26 j'aime

Still Walking
Torpenn
7

La saveur de la pastèque

Même si je n'arrive toujours pas à comprendre l'adulation extravagante de mes éclaireurs pour Kore-eda, je parviens pour l'instant à voir ses films avec un certain plaisir et une absence d'ennui...

le 5 mars 2013

26 j'aime

12

Du même critique

Dragon Ball Z : La Résurrection de 'F'
Daigo05
5

Fan Service en 3D

De base, le pitch de départ est mauvais. Dragon Ball a trop de fois joué la carte du méchant qui revient se venger de Sangoku, des années plus tard. Taopaipai, Piccolo, Freezer, le Dr.Gero, Brooly,...

le 25 juil. 2015

10 j'aime

Et Dieu... créa la femme
Daigo05
9

Et Dieu créa... les Misogynes

Un film très drôle et joliment féministe en présentant l'homme et tous ses préjugés sexistes. Bien sûr, les moyens sont un peu artificiels, comme dans bien des films : vous mettez une jolie fille au...

le 13 mai 2015

9 j'aime

2

À l'abordage
Daigo05
2

Racisme anti-blanc et Grand remplacement

Trois personnages : - 2 travailleurs issus de la diversité et au revenu modeste. - 1 babtou fragile fils à maman et issu de la bourgeoisie. Au début du film, le blanc, rebaptisé Chaton, a une voiture...

le 26 janv. 2022

8 j'aime

15