Cueilli comme une pomme
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Je pense que cette critique ne va pas en être une. Je vais plutôt vous relater mon expérience, ce que j'ai vécu durant ce film.
Le pitch n'était pas très convaincant, un père qui va chercher à sauver sa fille d'une injustice, c'était pour moi un film à classer avec les films "Père va sauver fille", systématiquement un film d'action. Et c'est ce qu'il ne fut pas. Un seul élément m'attirai, le film était tourné à Marseille, et j'ai habité Marseille.
J'habite aujourd'hui Berlin, et les films sont soit en version originale, soit en version originale sous-titrée en Allemand. J'ai opté pour la seconde version, et j'arrive un peu à la bourre, il pleuvait, je venais de faire mon test il y a 5 minutes, j'eus un mal de chien à trouver mon carnet de vaccination, mon "Internationale Bescheinigungen über Impfungen und Impfbuch" où figurait mes deux récentes vaccinations. Mon bras droit souffrait, l'ensemble de mon corps voguait en presqu'état second. "Ja, ich wünsche Ihnen einen schönen Film". Il était d'accord pour me laisser passer, ce chic type.
Puis l'immersion immédiate : le film a déjà commencé, je ne sais pas où on est, des mecs parlent espagnol, anglais, et c'est sous-titré en Allemand. J'ai du mal à entrer dans l'instant, il bosse (Matt Damon), il a l'air un peu perdu, et moi aussi, mais le rythme est posé.
Quelque temps plus tard, il arrive à Marseille, et là une petite mélodie s'installe. Les personnes parlent en Français, ou en Anglais avec l'accent Français. Et Matt descend les escaliers de la Gare Saint Charles, et je commence à pleurer.
J'ai vécu à Marseille entre 1993 et 2000, j'étais étudiant à Aix-en-Provence. Et tous les plans qu'ils insèrent dans le film, je pouvais les "ressentir", je pouvais ressentir la lumière et la chaleur de Marseille, je pouvais aussi sentir son air marin. J'étais comme téléporté, et je n'arrêtais pas de pleurer.
J'essayais de suivre le film tout de même. Matt Damon est un Américain à Marseille. C'est un étranger avec tout ce que cela contient d'hostile pour lui. Il ne connait pas la langue.
Je connais ce sentiment, car je suis aussi un étranger aujourd'hui. Et il y a pour moi une beauté à voir Matt Damon devant cette adversité, dans cette fragilité, ce nouvel environnement, et aussi la vie qui en découle : Matt Damon s'appelle Bill, et Bill veut jouer son rôle de père. Or ce à quoi on assiste, c'est une tranche de vie. Je veux dire, autour de l'histoire de sa fille qui le préoccupe, la vie s'organise autour de lui. Et c'est ce qui à mon avis prend sens dans ce film.
Et c'est le mouvement qui a apporté cette vie.
Je dois dire que la musique du film nous enveloppe. On sent bien qu'on est dans un autre type de film. Il n'y a pas de super-héros ici, juste des personnages qui essayent de faire de leur mieux, parfois de vivre, parfois de survire. Et le film prend tous ces aspects en compte. Le compositeur arrive plus à traduire le drame psychologique et la tranche de vie qui se déroule, entre mélancolie et légèreté.
(la musique de Mychael Dana ne m'est pas inconnue. Je l'ai déjà entendu dans "The Icestorm" de Ang Lee, un superbe film et une musique bouleversante)
"Stillwater", c'est l'opposé d'un film d'action, c'est l'opposé de "Rambo, last blood" que je viens de voir. Il porte un autre regard sur l'homme, son ambivalence. C'est un film qui est toujours encore un peu présent en moi, et la conclusion, les dernières phrases finirent par me faire sangloter. Je comprenais ce qu'il voulait dire, et cela me renvoyait aussi à ma propre vie.
Voilà, ainsi fut mon expérience de "Stillwater". Mon nez coulait, j'étais secoué, en me levant, une spectatrice m'indiquait dans la langue de Goethe et d'Einstürzende Neubauten "c'est par là qu'il faut sortir".
De quoi je me mêle.
Je l'ignorai et me dirigeai vers les toilettes. J'étais toujours sous l'émotion. Dehors il pleuvait de plus belle. Il fallait revenir à ma propre réalité.
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Créée
le 3 sept. 2023
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