Jamais je n'ai autant réalisé avec ce film à quel point les films qu'on aime sont en fait le reflet de notre vécu, de notre âme, de nos préoccupations, de nos envies, de nos échecs.
Les films nous reflètent.
Et c'est aussi depuis bien longtemps que je n'avais vu une enfant aussi bien racontée et filmée. "Benni" ("Systemsprenger" en Allemagne) m'évoque Nathalie Portman de Léon, mais sans Hollywood, sans histoire farfelue, et sans Léon aussi.
Pour reprendre une maxime africaine : "tous les enfants du village sont nos enfants". Benni, c'est un peu notre enfant. On est ému par sa détresse, sa rage, sa vérité instinctive. Cet enfant n'est qu'amour, et pourtant elle nous renvoie à la figure nos faiblesses et nos limites avec violence.
On est touché par cette gamine. C'est selon moi l'image typique d'un animal blessé. Elle est filmée avec amour et justesse, elle est adorable, puis en même temps, lorsque tout bascule d'une seconde à l'autre, on se sent désemparé, comme les protagonistes, par tout ce déchaînement. Ici, rien n'est caricatural. Tout le monde se donne la peine pour aider cette enfant, mais tous sont débordés. Il y a quelque chose d'assez désespéré, sans solution qui serre le cœur.
J'ai été secoué par ce film.
D'une certaine manière, nous avons créé Benni, et nous sommes devenus incapable de répondre à son besoin fondamental : être aimée. Ce film nous rappelle à quel point nous pouvons littéralement détraquer nos enfants, les blesser. Tout ce que nous voyons de Benni n'est qu'un miroir, et il est très dur à voir.
J'ai beaucoup pleuré, sangloté même. J'ai ri aussi. J'ai suivi avec intérêt les pas de cette petite fille. Bien sûr chacun réagira en fonction de son vécu, or ce film m'a rappelé des choses douloureuses. Rien n'est exagéré. La détresse est énorme et surtout, nous avons le sentiment tenace et désarmant que nous ne pouvons rien y faire. Nous avons (re)jeté l'enfant avec l'eau du bain en quelque sorte. Finalement, ce film nous renvoie la faillite de notre humanité.
Un film allemand à voir en VO évidemment. Ours d'Argent 2019 à Berlin, filmé avec beaucoup de plans serrés, une structure narrative solide rythmée avec des tons et des tempos différents, des images me rappelant les passages oniriques de Jacques Audiard - entre dureté et onirisme - une musique impeccable, et une actrice époustouflante, Helene Zengel, 11 ans, juste, portant le rôle dans toute sa complexité.
Pour ma part, le film de cette année 2019, un moment intense.
Film vu au Moviemento de Berlin, en version originale et sans sous-titres