Leos Carax, alors âgé de vingt ans nous livre son premier long-métrage après l'échec de La Fille Rêvée qui se retrouve avorté suite à l'explosion d'un projecteur entraînant un incendie dans le restaurant chinois où se tourne le film. Primé par le Grand-Prix du court-métrage au festival de Hyères en 1981, Strangulation Blues permet au réalisateur de s'affirmer sur la scène française et d'accéder ainsi à la réalisation de son premier long-métrage Boy meets girl en 1984 et de devenir par la suite le réalisateur sulfureux que l'on connait aujourd'hui.
Strangulation Blues définit à lui seul la personnalité obscure de Carax dont l'on sait très peu de chose. Ce qui est dit dans le film peut être interprété comme la manière dont Carax est arrivé au cinéma ainsi que le désespoir qui le caractérise : "Dans son appartement il a coupé le téléphone, il a peint toutes les vitres en noir. Un jour dans la queue d'une ANPE il rencontre un ami d'enfance qui fait dans le cinéma et lui dit : 'Pauvre homme, c'est avec des œufs cassés que l'on fait les meilleures omelettes. Pourquoi tu n'utilises pas tout ton authentique désespoir pour écrire un scénario ?' Alors voilà, là dessus mon héros se met au travail jour et nuit et il reprend goût à la vie. Cinq mois plus tard, il apporte son scénar au Centre et comme on refuse de lui filer le fric pour son projet, il se flingue."
On assiste donc dans ce court-métrage au tout début du jeu identitaire qu'impose Leos Carax dans la suite de sa carrière. Il use ainsi d'un pseudonyme (Leos Carax à la place de son véritable nom Alex Dupont) et annonce une identification prononcée avec son protagoniste principal qui trouvera écho plus tard dans sa carrière avec son alter égo cinématographique joué par Denis Lavant. On retrouve également dans Strangulation Blues le noir crépusculaire, le mélange entre cinéma muet et de Nouvelle Vague, et surtout son rapport aux relations amoureuses qui s'affirmeront dans son premier long-métrage, puis dans le reste de son oeuvre. Strangulation Blues pose donc les bases d'un cinéma cohérent et percutant qui est celui de Leos Carax, et c'est en cela que le court-métrage est à mes yeux plus qu'une oeuvre de jeunesse du réalisateur, mais une véritable pierre angulaire permettant d'éclaircir les points si sombres qui hantent son univers.
Et pour voir le film, je vous invite à vous rendre ici : https://www.youtube.com/watch?v=HZG4ThunsSs