Troisième film de Scott Cooper, Black Mass (dont le titre "français" Strictly Criminal semble mieux convenir au propos du film) raconte l'ascension d'un caïd nommé James Burger dans le milieu bostonien des années '70. Jusqu'ici rien de bien original, l'histoire du cinéma américain étant jonchée de grands films de gangsters, quelque soit les époques. L'originalité provient probablement du scénario puisque l'ascension du personnage est permise à la fois par le FBI mais aussi par son frère, William Bulger, sénateur du Massachusetts. Cette sainte trinité (gangster + FBI+ politicien) accouplée à la présence de Johnny Depp pour y jouer le rôle de James Bulger mettait, à première vue, le film sur de très bon rails.
Dans sa narration et dans sa mise en scène, le film s'embourbe dans tous les clichés possibles et imaginables et n'arrive pas à dépasser ses références. Le cinéaste ayant choisi de calquer sa mise en scène sur les fresques épiques de Martin Scorsese ( The Goodfellas, Casino ou The Departed).
Utilisation de la voix-off, musique à fond sur des scènes de meurtres, utilisation de "gueules" pour y jouer des petits malfrats... Tout y passe. Il ira même jusqu'à réutiliser la fameuse séquence de Joe Pesci (Pourquoi je suis drôle?) dans The Goodfellas dans une scène de repas absolument grotesque.
Grotesque, Johnny Depp l'est assurément. Pas forcément pour sa prestation (il est bien seul à tenter de donner un peu de profondeur au film) mais plutôt dans son grimage qui lui confère plus une ressemblance à Gary Oldman dans Dracula qu'à un caïd de Boston. Benedict Cumberbatch n'arrive pas à donner suffisamment de vie à son personnage dans le peu de scènes dont il dispose et ce pauvre Joel Edgerton patine complètement dans le rôle de John Connoly.
Cooper récite sa leçon et nous plaque donc des scènes vues et revues ailleurs, sans oublier une incapacité totale à faire naître une réelle tension dramatique que l'on soit entre gangsters ( scènes de meurtres) ou dans le cercle familial ( la mort du petit garçon est évacuée en quelques plans). Les scènes défilent et nous comprenons que, pour Cooper, seul compte le traitement psychologique et la gueule du personnage de William Bulger. Gageons que le film, avec un ton aussi sérieux, aurait probablement été plus intéressant si Cooper avait choisi de filmer non par la surface de ce monde mais plutôt d'essayer de pénétrer les arcanes des relations entre les personnages et surtout entre les différentes institutions.
Si Cooper avait du piocher dans les années '70, sur un tel sujet, aller lorgner du côté de Sidney Lumet ( Serpico , notamment) aurait été plus judicieux.
Scott Cooper propose donc un film noyé dans ses références, perdu dans un scénario à l'écriture lourdingue et dont le seul motif de satisfaction est la manière dont il arrive à filmer Boston, comme étant un nid pour la criminalité.