Je n'attendais pas grand chose de ce Strictly Criminal au titre français finalement moins pompeux et plus justifié que le Black Mass original. Pas grand chose de la messe noire annoncée ici (même si je vois l'idée de l'alliance maléfique entre FBI et crime organisé), on se retrouve plutôt avec un film passe-partout, pas inintéressant parce que ce qu'on nous raconte l'est, mais terriblement impersonnel.
Je serai assez bref sur le film car il n'y a pas grand chose à dire. Johnny Depp dénote un peu dans un casting d'acteurs d'origine irlandaise ou qui sont au moins crédibles en fils d'immigrés irlandais, on passe plus de temps à observer son maquillage, ses prothèses et ses atroces lentilles qu'à apprécier son rôle un peu trop caricatural et calibré pour les prix d'interprétations. Il n'est pas mauvais, mais pas brillant non plus, d'autant qu'il ressemble à une curieuse version du Chris Walken de la grande époque. A ses côtés en revanche, le casting distribue des rôles secondaires plutôt truculents, du plaisir de recroiser Kevin Bacon à quelques têtes sympathiques, Adam Scott ou Benedict Cumberbatch, qu'on aurait volontiers admiré dans le rôle titre.
Esthétiquement, c'est là que le bât blesse, la reconstitution d'époque est plate et antidémonstrative, c'est peut-être un parti-pris mais au final ça dessert le film car on a pas grand chose d'autre à se mettre sous la dent. La bande-son est interchangeable, les morceaux d'époques peu présents et pas assez marqués ou marquants, la photo jaunâtre / grisâtre déjà vue mille fois et mal utilisée. On sauvera quelques plans architecturaux plus intéressants, qui filment les locaux du FBI comme une prison de béton tout en nuances de gris et de beige.
Autre détail qui peine, la manière dont ce film semble coller à un autre modèle du genre, le Goodfellas de Scorsese. Le film est pratiquement un calque irlandais des Affranchis, avec son personnage de petit jeune qui intègre le gang en amorce de film et ses explosions de violences régulières. Mais elles sont toutes terriblement prévisibles et plus grotesques ou risibles que vraiment réussies. Seul élément qui persiste à intriguer, le physique hybride de Depp qui dans le même plan semble avoir 35 ans ou 70, avec ses airs reptiliens et méphistophéliques. On aurait aimé plus de démesure sans doute.
Echec dramaturgique plus que narratif, le film se laisse suivre malgré quelques imprécisions scénaristiques liées à un montage un peu abrupt (exigence de la production ?) et que le film pallie tant bien que mal via des personnages tertiaires et des dialogues un peu expéditifs. On peine à croire à la relation entre les deux frères où à l'impunité aussi longue d'un ripou au sein du FBI, du moins un ripou aussi peu subtil avec sa hiérarchie. Une histoire aussi rocambolesque suscitait pourtant des enjeux thématiques bien plus forts sur l'ambivalence du FBI quant à sa manière de combattre le crime organisé, et dans les inégalités des solutions proposées. Un film miné par ses références et ses jeux avec des codes bien trop connus qu'il ne parvient pas à renouveler.