Dernier film de Stuart Gordon à ce jour. J'ai appris hier qu'il avait tenté une campagne kickstarter il y a quelques années, pour faire un film sur Poe divisé en trois périodes de sa vie. Ç'aurait pu être un retour aux sources via l'imaginaire du conteur sans pour autant renier les acquis de sa trilogie sociale qui se clôture ici avec "Stuck". "Stuck", ça fait 6 ans que je l'ai et que je veux le voir. Mais l'occasion ne s'était pas encore présentée.
C'est pas mal. Pas mal du tout même. Quelques chutes de rythme lorsque les auteurs s'égarent (par exemple lorsque l'héroïne va chez son Rachid et découvre une autre femme dans son lit : c'est drôle mais on digresse totalement tant dans la narration que les thèmes, ça n'a donc pas grand intérêt ; il y a d'autres petits moments ainsi) mais globalement ils mènent bien leur barque. La bonne idée, c'est d'avoir les deux points de vue, et même si l'héroïne a un comportement antipathique, on la comprend autant que le pauvre malchanceux, du coup, le suspense tient jusqu'au bout : qui survivra ?
Les conflits sont présents du début à la fin, on ne s'ennuie donc pas. Même pour montrer que le bonhomme galère à trouver un job, les auteurs ont la bonne idée de le faire passer par le remplissage toujours si laborieux de formulaires. Les conflits sont donc des deux côtés, ce qui rend la chose plus prenante et les résolutions plus plausibles ; ceci dit, certaines résolutions sont moins savoureuses sur la fin, c'est un peu inégal. Les objectifs aussi se comprennent facilement et sont vite déterminés.
Les personnages sont bien écrits : il n'y a pas d'évolution, ce sont donc des personnages à trait de caractère simple. Les auteurs les exploitent avec jusqu'au-boutisme, c'est bon ! Niveau personnages secondaires, soit ils sont de trop soit pas assez : c'est-à-dire que j'aurais préféré soit un vrai huis clos entre les deux protagonistes, soit laisser plus de place, et donc peaufiner les personnages secondaires.
On aurait pu avoir un peu plus d'ironie dramatique aussi : les auteurs en jouent légèrement mais clairement pas assez. Il y avait pourtant matière à cela. Ceci dit, ils jouent bien avec l'aspect social, chaque personnage a une bonne raison de fermer les yeux. Il y a un changement de ton dans la seconde moitié du film : l'humour est nettement plus prononcé avec l'exploitation de Rachid. C'est un peu dommage, non pas que le film était dénué d'humour jusque là mais c'était fait autrement, c'était plus discret
La mise en scène fonctionne très bien aussi, Stuart Gordon sait exploiter son budget : ça se regarde bien, on a une belle photographie et des effets spéciaux réussis (le seul à ne pas fonctionner, c'est ce flashback du type qui se crashe dans le pare-brise - les CGI sont foireux - mais ça se justifie par le fait qu'il s'agisse d'une hallucination). Le découpage est efficace que ce soit dans des scènes comiques, dramatiques ou gores (ce satané essuie-glace).
Les acteurs sont tous très bons. La petite Mena, on ne la voit pas assez souvent, elle prouve ici qu'elle ne mérite pas de passer inaperçue, surtout qu'elle a un joli cul et puis les tresses gangsta lui vont plutôt bien (je suppose qu'en plus c'était un fantasme pour beaucoup de voir cette jolie 'petite girl' se taper black baraqué). Stephen Rea aussi s'en sort très bien, je regrette simplement qu'il ait l'air de moins en baver une fois qu'il entre dans l'habitacle entièrement. Les maquillages et costumes fonctionnent bien aussi. La musique également.
Bref, un bon petit film que ce "Stuck", il en faudrait plus des comme ça et surtout il faudrait laisser Stuart faire plus de films bons sang ! Le pauvre en est réduit à faire du théâtre, dont des adaptations musicales de ses propres films (je dis réduit mais je blague hein, c'est tout autant honorable... mais c'est juste que je verrai jamais ces pièces, alors qu'un film ça peut se choper nettement plus facilement).