Avril 1977, USA.
- 04: le vol 242 de Southern Airways s'écrase sur l'autoroute New Hope (!) en Georgie,
- 17: "Son of Sam" fait deux nouvelles victimes,
- 22: la fibre optique est employée pour la première fois en tant que réseau téléphonique,
- 26: le Studio 54 ouvre ses portes...
Steve Rubell (restaurateur) et Ian Schrager (avocat) sont des amis de longue date. Ils rachètent le studio 52 de CBS (sis sur la 54 ème Rue, d'où le nom) et le transforment en discothèque. Des invitations spéciales ont été envoyées aux grandes star du moment (Andy Warhol, Diana Ross, Mick et Bianca Jagger...) et cette première soirée exceptionnelle se prolongera pendant les 33 mois suivants.
Terre de liberté où la discrimination (raciale, sociale, culturelle, sexuelle) n'avait pas lieu de cité, le Studio 54 était l'Endroit où tout était permis, où la seule règle était de se laisser aller sans complexe.
Sex, drugs and disco sonnaient comme la Sainte Trinité de ce night-club. L'entrée du "Paradis" n'était pas toujours aisée et beaucoup de prétendants passaient la nuit sur le trottoir à espérer pouvoir fouler la piste de danse. L'admission (souvent orchestrée par Rubell lui-même) se faisait de manière aléatoire ("you're not shave enough", "no hat ! I don't want hat inside !", I don't like your shirt"...) et même quelques célébrités se sont vues refoulées par "faute de goût" et ce, même si c'étaient des habituées.
Mais pour ceux qui obtenaient le "Saint Graal" , c'était la promesse d'une nuit enflammée !
Par ici le bar (où l'alcool était servi par de jeunes hommes uniquement vêtus de shorts), là-haut le balcon (où le sexe était pratiqué sans gêne), en-bas le carré VIP (où LSD, cocaïne, quaaludes et autres sont abondants) et bien sûr, le dancefloor.
Dancefloor où se mêlent hommes d'affaire en costume, gays torse-nus ou vêtus de cuir, femmes du monde en robe coûteuse ou jeunes femmes à la poitrine dénudée, ouvriers, stars de la musique/art/cinéma, Afro-Américains, Hispaniques, Asiatiques, Blancs... Rarement une telle mixité se retrouva dans un lieu avec pour seul mot d'ordre: faire la fête !
Tandis qu'à l'extérieur se trouvait New York City (désignée comme l'une des villes abritant l'un des quartiers les plus pauvres du monde, j'ai nommé South Bronx), sa criminalité galopante, son intolérance à l'homosexualité, sa récession, sa décrépitude, le 54 ressemblait à une sorte de "paradis" où l'on pouvait - l'espace d'une soirée - oublier la réalité.
Mais succès aidant, la jalousie et la suspicion fit que ce qui se passait indoor devint soudain de notoriété publique outdoor.
Ainsi en décembre 78, les quotidiens de la ville lancèrent un pavé dans la mare, arguant du fait que le 54 avait profité de l'argent de la Mafia pour financer sa création. L'IRS (Internal Revenue Service, soit le fisc) s'intéressa de plus près à la gestion du nightclub et ouvrit une enquête.
Il fut ainsi découvert que non seulement plus de 2M$ n'avaient pas été déclarés, mais de plus une forte quantité de drogues diverses fut trouvée dans les locaux du '54.
Et le Paradis devint Enfer pour le duo Rubell/Shrager...
Cet excellent documentaire retrace fidèlement l'ascension et la chute de ce club mythique, avec les témoignages de Ian Shrieger, Jack Dushey (co-propriétaire), Roy Cohn (avocat) et d'autres membres du personnel.
Il est aussi rendu hommage à Steve Rubell, qui décéda de complications dues au HIV, en 1989.
Film sur un pan de l'histoire d'un New York révolu, Studio 54 est un reflet nostalgique d'une époque où tout et son contraire était encore possible: celle du New York glauque (la 42nd Street et ses sex shops), misérable (South Bronx), dangereux ("**Son of Sam*"*, les meurtres crapuleux) mais aussi artistique:
- la naissance du hip-hop avec Africa Bambaataa et Grandmaster Flash & The Furious Five,
- le beat-box avec Doug E. Fresh,
- l'explosion du punk avec les Ramones et Blondie,
- le street-art et son représentant le plus célèbre qu'était Basquiat ,
- la Factory de Warhol)
ou même architectural (les Twin Towers du WTC, inaugurées le 04 avril 1973).
De nos jours, NYC est devenue une cité "lisse" et ayant perdu sa forte identité d'alors.
Sorte de Disneyland rupin et sucré, la Big Apple tente d'occulter son histoire mais fort heureusement, il nous reste des souvenirs via des documentaires aussi passionnants que:
- ce Studio 54, donc,
- Man on Wire (le WTC),
- 80 Blocks from Tiffany's (les gangs de New York),
- The Bronx is Burning (la situation catastrophique de South Bronx)
- D.O.A Rite of Passage (le Mouvement Punk)
- Gay Sex in the 70's (tout est dans le titre)...
Au travers de toutes ces précieuses archives, il est possible de s'immerger dans ce qu'était New York dans son entièreté: une mégapole dangereuse, intolérante, misérable et crasseuse tout en étant excitante, moderne, multi-ethnique, vivante, et terre de liberté sans limite...