(Je déconseille la lecture de cette bafouille à charge aux personnes qui n'auraient pas vu ou pas détesté le film.)


Thomas Vinterberg fait partie de ces auteurs que j'aimerais aimer, et dont les œuvres peinent à me convaincre pour des raisons qui m'échappent parfois, tributaires de détails malheureux. Mais ici, la déception est frontale, catégorique : en adaptant le roman d'un écrivain danois, Vinterberg produit ce que j'aurais du mal à ne pas appeler un mélodrame familial misérabiliste et tire-larmes. Un genre qui produit chez moi, en toute logique, l'exact inverse de l'effet escompté.


Submarino, qui tire son nom d'un procédé de torture des plus délicats, présente les histoires parallèles mais également miséreuses de deux frères séparés durant leur enfance. Élevés par une mère pauvre, alcoolique, violente et irresponsable, Nick et son frère (il me semble qu'aucun nom n'est cité dans le film) assisteront à la mort de leur petit frère due à diverses négligences avant d'être séparés.


Et le sort s'acharnera sans relâche sur cette famille. Attention, le paragraphe qui suit est très descriptif et relativement exhaustif...
Des années plus tard, on retrouve Nick, toujours aussi pauvre et alcoolique que sa mère. Pour une raison au mieux indéterminée, au pire vraiment invraisemblable (reproche qui reviendra, à titre personnel, dans la filmographie de Vinterberg), il se laissera accuser d'un meurtre qu'il n'a pas commis, laissera sa main pourrir jusqu'à la gangrène en prison avant l'amputation hautement symbolique : le mal est rejeté, la liberté recouvrée. De son côté, le frère de Nick ne dépareille pas : père veuf d'un gamin de six ans, c'est un profond héroïnomane qui deviendra du jour au lendemain un grand dealer afin de faire fructifier un héritage familial aussi subit qu'opportun. Un peu comme on le ferait tous, donc. En prison, il croise son frère, et se suicide sans véritable raison (en dehors de celles d'un scénario mal intentionné), comme le ferait tout père aussi aimant.


Tout ça pour finir sur des images bien larmoyantes de leur enfance sous les draps blancs et lumineux, empreinte d'une douce mélancolie, alors qu'ils baptisaient leur petit frère Martin. Martin, comme le neveu de Nick... Le climax de la tristesse, sur fond de musique d'enterrement (au sens propre).


Une bafouille à charge, je le reconnais, mais trop, c'est trop. Pourtant, les danois ont un talent indéniable en matière de sordide bien articulé, cf la trilogie Pusher. Mais ici, au bout d'un moment, la saturation de l'émotion dont on veut nous gaver vire à l'écœurement. La surenchère dans le sordide et le tire-larmes est à son maximum, remplissant ainsi le cahier des charges du parfait petit mélodrame misérabiliste avec application.


(Avis brut #45)

Créée

le 4 févr. 2016

Critique lue 1.2K fois

10 j'aime

2 commentaires

Morrinson

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

10
2

D'autres avis sur Submarino

Submarino
Nikki
8

Vies.

Il est intéressant d'envisager "Submarino" comme une partie intégrante de l'oeuvre de Thomas Vinterberg, plus particulièrement en le connectant avec "Festen" et "La Chasse". Ces trois films flirtent...

le 10 oct. 2014

14 j'aime

Submarino
Morrinson
4

Misérabilisme acharné

(Je déconseille la lecture de cette bafouille à charge aux personnes qui n'auraient pas vu ou pas détesté le film.) Thomas Vinterberg fait partie de ces auteurs que j'aimerais aimer, et dont les...

le 4 févr. 2016

10 j'aime

2

Submarino
Mil-Feux
7

Immersion dans les bas-fonds

Thomas Vinterberg semblait avoir abandonné toute ambition. Avec ce mélo social, aussi noir que l'hiver scandinave, il retrouve enfin son talent. Moins corrosif, mais tout aussi désenchanté que...

le 29 déc. 2016

9 j'aime

2

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

144 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

140 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11