Wu Xia Pian comico-virevoltant

Quiconque s’intéresse un minimum au cinéma de Hong Kong connait forcément la bougne rondouillarde d’Eric Tsang reconnaissable entre mille. Il faut dire que le bougre a joué dans pas moins de 295 films en 50 ans de carrière. Mais on connait moins Eric Tsang metteur en scène alors qu’il a pourtant 25 réalisations à son actif. On lui doit par exemple les deux premiers opus de la saga à succès Mad Mission (Aces Go Places en VO), le très bon Fatal Vacation ou encore le sympathique The Tigers. C’est lui qui a pris le relais sur Armour of God (Mr Dynamite) de Jackie Chan lorsque ce dernier, lors d’une cascade dangereuse, se blesse gravement. Bien que l’homme ait essentiellement œuvré dans la comédie, il s’est essayé par une fois au wu xia pian avec Handsome Siblings, en y intégrant bien entendu de l’humour, lorsque la mode est revenue au début des années 90 suite au succès de Swordsman. Sorti en VHS chez HK Video sous le titre Succession par l’Épée, puis en DVD chez le même éditeur dans le coffret Les Contes du Sabre Volume 2 (en bundle avec Le Poison et l’Épée), il nous arrive en blu-ray chez Spectrum Films dans un coffret dédié à la belle Brigitte Lin. Il était donc temps de se rafraichir la mémoire et voir si Handsome Siblings est toujours aussi sympathique que dans mes souvenirs.

Handsome Siblings va mélanger action, drame, romance et comédie tout en essayant de garder un ton léger du début à la fin. On est plus proche d’un Flying Daggers ou d’un Forbidden City cop que d’un Blade of Fury ou d’un L’auberge du Dragon. Le film aligne un casting trois étoiles : Andy Lau, Brigitte Lin, Sharla Cheung Man, Ng Man-Tat, Francis Ng, Deanie Ip, Michael Miu ou encore Anita Yuen. On y retrouve également dans des petits rôles Fung Hak-On, Richard Ng, Peter Chan Lung ou encore Shing Fui-On. Les personnages sont variés, avec des traits de caractère qui leur sont propres, permettant ainsi de ne pas se mélanger les pinceaux malgré leur nombre relativement conséquent. Avec leur costume et leur maquillage, Brigitte Lin et surtout Sharla Cheung Man sont absolument magnifiques. Visuellement, Handsome Siblings est sublime, très coloré. Les costumes sont de toute beauté, la photographie très soignée avec une très belle composition de plans et d’excellents effets de lumière. Même dans les combats, il y a cette recherche de trouvailles visuelles pour essayer de se différencier des nombreux concurrents de cette époque. Les scènes impliquant des mètres et des mètres de tissus dégagent une sorte de poésie qu’on ne retrouve que dans ce cinéma de Hong Kong, avec cet héroïsme légendaire typique des wu xia pian. Handsome Siblings pêche par contre par son humour qui pourra souvent paraître un peu forcé même pour les amateurs d’humour cantonais. Certains gags sont certes réussis (le coup du 3ème bras par exemple), d’autres relativement douloureux, plus proche d’un délire graveleux à la Wong Jing. Il y a fort à parier que si le film s’était montré sérieux du début à la fin, il aurait pu être réellement marquant. Mais en l’état, on a parfois l’impression qu’il ne sait pas ce qu’il veut être, comédie ou wu xia pian, et qu’il cherche à jouer sur les deux tableaux sans réellement rentrer ni dans l’un ni dans l’autre.

Bien que ce soit Phillip Kwok aux chorégraphies, nous sommes dans un style très aérien très proche de ce que fournit habituellement quelqu’un comme Ching Siu-Tung. Période neo wu xia pian oblige, c’est également très frénétique, parfois à la limite de la compréhension de ce qu’il se passe à l’écran sans pour autant que ça soit gênant. Cette rapidité dans les mouvements, dans le montage également, donne un côté extrêmement jouissif aux scènes d’action. D’autant plus que le film offre des trouvailles parfois assez surprenantes et rafraichissantes pour quiconque aime un tant soit peu le genre, comme lorsque Brigitte Lin se bat un court instant avec une goutte d’eau, ou encore ce duel final tout en explosion. De manière générale, on sent qu’ils ont essayé là aussi de faire en sorte que les scènes d’action sortent du lot et c’est clairement réussi, avec en plus des chorégraphies virevoltantes très soignées. Malgré tout, le film est au final un peu avare en action et il est construit un peu étrangement. En effet, le film commence très fort, puis va petit à petit se calmer, et l’affrontement final est trop court. Il aurait fallu un peu mieux balancer cela et cette introduction intense, un peu folle, aurait clairement dû faire office de final, en remplaçant bien entendu les personnages qui en font partie pour coller au scénario. Ce dernier est simple et suffisant pour permettre à quiconque de suivre sans souci. Certes, il aurait peut-être fallu un peu trancher dans le lard et 10 minutes de moins du ventre mou à mi-film n’aurait pas fait de mal pour rendre cette partie un peu plus fluide, mais cela va être compensé par des moments d’une réelle inventivité, aussi bien dans ce qu’il se passe à l’écran que dans la mise en scène en elle-même. Handsome Siblings n’est pas le néo wu xia pian le plus abouti de l’époque, mais il possède un fort capital sympathie grâce à la légèreté et l’entrain qui le parcourent. Un indispensable, non, mais une chouette petite bobine pour passer une bonne soirée, oui !

Gros melting pot de tous ces wu xia pian qui ont inondé les salles obscures hongkongaises au début des années 90, Handsome Siblings compense son manque d’action par une beauté formelle irréprochable et le plaisir de retrouver ce casting 3 étoiles.

Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-handsome-siblings-de-eric-tsang-1992/