J'avais lu une news à propos de "Suck" sur Devildead, le film m'avait intrigué car son cast comportait quelques stars issues du domaine de la musique : Alice Cooper, Moby, Iggy Pop. Il y a Dave Foley aussi, faut le noter, ce type m’a marqué pour sa folie dans "Postal" et "Monkeybone".
A l'époque je ne connaissais pas vraiment Alice Cooper, mais maintenant je suis fan, et sa présence dans "Suck" est devenue une raison de voir ce film aux notes assez basses sur IMDb ou Senscritique. Le concept avait l'air sympa aussi, même si la bande-annonce m'avait laissé indifférent.
Quand je parle du "concept", je veux parler du fait qu'il s'agisse d'un film de vampires avec quelques grands noms de la chanson, parce que quand on pense au pitch de Suck, c'est assez grotesque : les membres d'un groupe de musique acceptent de devenir des vampires afin d'avoir un pouvoir qui les rend plus appréciés par le public. Ca les fait même pas jouer mieux hein, je précise, ils sont juste plus appréciés...
Le film commence mal, dès le second plan, je fronçais déjà les sourcils. On voit une chauve-souris en CGI affreux, ressemblant à un dessin cartoonesque animé, qui vole vers une ville clairement fake elle-aussi. En fait, je ne l’ai compris que plus tard, ce plan s’inscrit dans toute une série de plans style claymation, mais dans les autres plans c’est beaucoup plus clair, là ouvrir (ou presque) le film avec ce plan de chauve-souris… ça la fout mal.
A la scène suivante, je fronçais encore les sourcils, cette fois à cause de l’apparition d’un vampire au look goth tout pourri, avec ses cheveux frisés et son shirt orange moulant… On apprend plus tard que c’est le chef des vampires. Enfin non, c’est le "queen vampire" ; je n’invente rien.
Je n’avais pas encore vu le pire : la séquence d’envoûtement où ce vampire ridicule se met à chanter en playback, face caméra. Horrible, horrible…
Il y a beaucoup de personnages au look emo aussi dans ce film, parmi les personnages principaux notamment, et c’est plutôt dérangeant. La seule au look goth vachement cool, c’est la bassiste du groupe, Jennifer, très sexy de surcroît.
Certains des acteurs sont juste mauvais, c’est pas juste leur look le problème. Quand ils jouent la souffrance, c’est aussi risible que quand le vampire queen chante.
Quand le film veut faire de l’humour, là par contre, ce n’est pas drôle. Il y a plein de blagues nulles sur les vampires, évidemment, "we’re long on the teeh", et beaucoup d’utilisation des différents sens du mot "suck" : "that sucks", "want a suck ?" (en proposant une boisson).
Pleins de répliques clichés et faciles aussi : le vampire qui, face à Van Helsing, sort "you can’t save anyone, you couldn’t even save your woman, vampire hunter". Pfft.
EDIT : Le personnage du DJ grande gueule est bien cerné, par contre.
Beaucoup de vannes sur les batteurs, comme j’ai l’impression que c’est le cas dans l’industrie musicale, à moins que ce soit un autre cliché ; en tout cas le réalisateur tient tant à prouver son appartenance à ce monde qu’il fout dans son film plein de références visuelles complètement gratuites à des covers d’albums connues. Les Beatles, quand le groupe traverse un passage clouté, Bruce Springsteen quand un mec se tient sans raison devant un drapeau américain avec une casquette rouge dans la poche de son jean, et les Who quand le groupe se tient enveloppé dans un drapeau, toujours sans raison.
En plus du monde de la musique, on passe un peu par la case cinéma, avec une scène où on voit la copine du héros sur un tournage de série B.
EDIT : Il y a une idée très cool au début de cette séquence, avec le premier plan où l'on voit le décor de SF du tournage à travers un aquarium dans lequel tombent des gouttes de peinture.
Les effets vidéos censés donné son style au film sont eux aussi très clichés et surfaits. Des accélérés frénétiques quand les corps des vampires sont comme secoués par des spasmes. Des FX kitschs à l’extrême, comme ce contour lumineux autour de la bassiste durant un concert. Et régulièrement, on voit des filtres bizarres appliqués aux cieux, par exemple à un moment on a un ciel mauve, wtf ? Pourquoi ? Ca n’a aucun sens.
Le plus surprenant c’est que "Suck", en dépit de cet étalage de mauvais goût qui aurait dû rendre réticents les producteurs même en pré-production, a quand même l’air de bénéficier d’un budget conséquent. Il y a clairement des moyens, plus qu’il n’y en aurait besoin même, et il y a des FX compliqués qui sont réussis. Malcolm McDowell joue Van Helsing dans "Suck", et dans un flashback on le voit, lui, jeune, à l’âge qu’il avait à l’époque d’Orange mécanique, intégré dans des scènes nouvelles. Ils ont choisi de faire un effet spécial aussi complexe plutôt que d’engager un autre acteur pour jouer le Van Helsing jeune, je trouve ça bien inutile, même si le résultat est impressionnant.
"Suck" est un film pas drôle, avec un scénario débile (la façon dont tout le groupe, le manager y compris, accepte qu’ils tuent des gens…) et des relations entre personnages inconsistantes.
On ne s’ennuie pas trop néanmoins, j’ai réussi à aller au bout de l’heure et demie, et puis la BO est sympa. Ca fait du bien de réentendre quelques classiques, mais des morceaux sont inférieurs, notamment les créations originales pour le film. Il y a une des chansons qui dit "She sucks all night", en faisant allusion aux vampires, certes, mais sans que les paroles ne fixent le contexte. Ca fait drôle de voir la chanteuse du groupe entonner ça…
La chanson "This is your brain on drugs" m’a bien plu par contre, en plus de la référence du titre.
A part ça, "Suck" est un film qui va s’oublier vite fait.
EDIT :
J'ai regardé le making-of d'une quarantaine de minutes, et il est bien sympa. Le réalisateur a l'air d'un type cool aussi.
Henry Rollins dit des choses très intéressantes sur certains effets de l'héroïne, qui évoquent les effets de la transformation en vampire chez quelqu'un : la personne a une impression de force, sa peau devient pâle, presque translucide, et chez les femmes ça donne un air à la fois effrayant et mystérieux parfois.
Le making of m'a aussi fait découvrir une nouvelle facette du métier de chef décorateur : celui de Suck a pris des photos des lieux, qu'il a assombries sur Photoshop, et auxquelles il a ajouté numériquement des éléments de déco et des personnages, afin que le réalisateur, le chef opérateur et les producteurs aient une idée de quoi ressemblera le lieu au préalable.
Effet étonnant de ce making-of sinon, il m'a fait me rendre compte de nouveaux défauts dans le film. Je me suis demandé, en revoyant un extrait de la scène, si Jennifer connaissait le chef des vampires avant sa première apparition : j'ai cru avec leur raccord regard qu'ils se connaissait, mais il se pourrait que ce soit la première fois qu'ils se rencontrent, qu'il l'ait envoûtée, et qu'elle ait menti aux autres en disant le connaitre. Du coup, elle n'aurait pas été mordue de son plein gré. C'est pas clair.
Malcolm McDowell parle de son personnage, et dit que celui-ci a peur du noir. Quand Van Helsing dit ça à un videur dans le film, j'ai cru que c'était une excuse pour expliquer le fait qu'il transporte pleins de lampes torches à braquer sur les éventuels vampires. Si le personnage du chasseur de vampires a vraiment peur du noir, je trouve que c'est une idée à la con, et en plus pas du tout traitée suffisamment dans le film pour que 1) ce soit intéressant, 2) qu'on comprenne que c'est vraiment une caractéristique du personnage.
Bon heureusement, le making of m'a aussi rappelé quelques éléments qui étaient bien dans Suck, d'où les ajouts à ma critique ci-dessus.