Le monde de l’esprit n’est que le monde matériel enfin remis d’aplomb

Un bijou.
Ni plus ni moins qu’un concentré orgasmique de pur cinéma. Pas celui qui laissera son empreinte sur les siècles, qui soulève des questions essentielles ou transmet un message intemporel. Non. Le cinéma qui vous retourne la tête avec la force d’une avalanche, vous arrache de votre siège et vous balance groggy, désarticulé et halluciné quand les lumières se rallument. Une claque monstrueuse offerte par Zack Snyder, réalisateur du récent Man of Steel et à qui on doit notamment l’excellente adaptation de Watchmen.


Dès le générique le constat est clair. Image travaillée à l’extrême, enchainements parfaits, ralentis maitrisés, ambiance pénétrante... Sans parler de la reprise de Sweet Dreams qui embaume le tout. Une merveille. Et ce n’est pas fini.


Regarder Sucker Punch c’est observer un poulpe gigantesque. Dis comme ça, rien d’excitant. Et pourtant. Un instant, il serra tapis au creux d’un rocher, boule rugueuse à la peau irrégulière, teintée d’ocre jaune et de taches brunes. La seconde suivante en suspension dans l’eau, déployant ses tentacules bleu lagon ornées de motifs émeraude, lisse comme le marbre. Puis il disparaît en un spasme dans un nuage d’encre noir carbone.


Tout au long du film alternent l’ambiance oppressante de l’asile, ses murs poisseux, ses salles vides, ses rideaux miteux et ses occupants repoussants avec le gigantisme, la démesure des univers où est projetée Baby Doll. Et chacun mériterait un livre entier. Bande son, caméra, rythme, tout est éclaté et redistribué à chaque nouvelle « danse » pour un sentiment de jouissance permanent.
Pour qu’un film soit réussi, il faut souvent que son réalisateur soit libre. Et pas de doutes, dans ce cas il l’était. Zack Snyder ne s’est pas imposé de limites, et emmène son bébé là ou il veut. Qui l’aime le suive. D’un donjon assiégé gardé par un dragon à un train suicide conduit par un régiment de robots en passant par les tranchées zombifiées de 14-18 ou un monastère bouddhiste perdu sous les neiges, rien n’arrête la soif de liberté de Baby Doll.


Sans en faire trop, chaque « monde de l’esprit » a sa propre cohérence, sa signature qui le rend à la fois crédible et grandiose. Un hommage à tout un univers concentré chaque fois en moins de 20 minutes.
Neiges éternelles, duel chorégraphié, caméra souple et son clair dans le premier, rappel des grandes œuvres japonaises. Ambiance rétro-apocalyptique, morts-vivants, caméra à l’épaule, cendres, chairs et fumée dans le second à l’image du cinéma de guerre américain. Château assiégé, roche sombre, lave, combats de mêlées et dragons dans le suivant pour une ode épique à l’héroic fantasy. Futur lointain, courbes, reflets, vitesse permanente ponctuée de « bullet time » et androïdes enfin pour le dernier rêve inspiré des plus belles heures de la science fiction. A noter que chaque transe a droit a un court animé visible dans les bonus du DVD.


Coincées dans ce chaos, cinq jeunes filles aux yeux de biche et à la tenue légère. Soyons honnêtes, ça ne gâche rien. Mais celles là auraient beaucoup de leçons à donner à certaines jeunes égéries d’Hollywood (Jennifer Lawrence, Kristen Stewart, can you hear me ?). Justesse d’interprétation, maturité, candeur, ne cherchez plus d’où vient la goutte de poésie qui rend le tout si parfait. Et nul besoin de préciser que la bande son, primordiale dans ce film, est une pure merveille auditive.
Ne cherchez plus, Sucker Punch est tout simplement LE film de ces dernières années. Original, rythmé, bluffant, magnifique, cruel, intelligent et sculpté dans ses moindres détails, une œuvre d’art pure et simple.


« Il n’y a une beauté qui n’est atteinte que là, dans cette grande intelligence proposée à l’esprit par le temps vide et le ciel pur ». Méditez ça si ça vous chante.

Caïn
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 10 Films, Les meilleurs blockbusters, Les meilleurs films avec une héroïne, Les meilleurs génériques de films et Les plus belles femmes au cinéma

Créée

le 11 juil. 2013

Critique lue 449 fois

8 j'aime

2 commentaires

Caïn

Écrit par

Critique lue 449 fois

8
2

D'autres avis sur Sucker Punch

Sucker Punch
HarmonySly
2

Les aventures de Zack & Steve (Warning : Spoilers Ahead !)

« John ! John ! John ! Cʼest affreux ! Cʼest horrible ! Cʼest... » En entrant dans le bureau, John tombe sur son collègue, absorbé dans la lecture dʼun livre. « Mais, John, tu lis ? What the fuck ? -...

le 31 mars 2011

143 j'aime

89

Sucker Punch
Gand-Alf
7

Théâtre mental.

C'est muni d'un casque digne d'un Bioman, d'un gilet pare-balle recouvert d'une peau de croco et d'un bouclier en tête d'alien que je m'apprête à crier au monde (enfin à une trentaine d'internautes)...

le 31 mai 2013

126 j'aime

20

Sucker Punch
real_folk_blues
2

Where is your mind? T'as regardé dans ton...

Je sais qu'il est souvent de bon ton de dénigrer Snyder, que ça fait smart et cultivé de fustiger sa réalisation et sa filmo en proclamant que c'est de la merde décérébrée et immature, fascisante et...

le 20 juin 2011

92 j'aime

23

Du même critique

Godzilla
Caïn
8

That Zilla is still a God

Avant toute chose, soyons clairs. Ce film a une réputation catastrophique à cause des libertés qu’il prend avec l’image de Godzilla. Alors que la créature originale allie la puissance du gorille au...

le 18 avr. 2014

31 j'aime

9

Wolverine - Le combat de l'immortel
Caïn
6

Wolvi, les griffes de l'ennui

Des mois que Logan nous faisait baver avec Le combat de l’immortel. C’est lorsqu’il est le plus vulnérable qu’il est le plus dangereux. On n’en doute pas une seconde. Mais ce n’est pas lorsqu’il est...

le 24 juil. 2013

23 j'aime

9

The Punisher
Caïn
7

Et s'il était revenu à la vie pour pouvoir mourir encore ?

Au milieu des X-men, Spiderman et autres Batman, The Punisher ne pèse pas lourd en notoriété. Pourtant, le personnage mérite qu'on s'y intéresse pour un point précis. Frank Castle n'est pas gentil...

le 11 févr. 2013

15 j'aime