"Je m’appelle John Ferguson. Je suis un vertige. Je suis une spirale. Je suis un gouffre. Je suis un temple. Je suis Madeleine, Elle est moi. Je suis son silence, je suis sa tristesse. Je suis celle que j’aime - jusqu’au pont de San Francisco, jusqu’au sommet du clocher. Je monte, je descends, je déambule dans les couloirs, j’ouvre les portes qu’elle ferme derrière elle, je me perds dans un labyrinthe. Madeleine est morte et ressuscitée. Elle hante les rues de la ville. Mais Madeleine n’est plus Madeleine. C’est une grossière imitation, une femme de chair et de sang. Une femme qui parle, une femme qui avoue tout : « Oui, c’est moi. C'est lui. Nous l’avons tuée. Mais je t’aime, John, je t’aime. Pardonne-moi. Ecoute-moi, regarde-moi, je suis là pour toi ». Mais je ne te vois pas, je ne t’aime pas. J’essaye mais je n’y arrive pas… Une ombre a surgi. Elle t’a fait peur. Tu as sauté dans le vide. Tu as disparu une seconde fois. Mais tu n’es pas Madeleine. Je le sais parce que Madeleine, c’est moi".
« Vertigo » est un chef-d’œuvre. C’est tout sauf un film policier. C’est une hallucination dans le désert. C’est une expérience existentielle. C’est 2001 L’Odyssée de l’espace, c'est Mulholland Drive, c’est Alfred Hitchcock. James Stewart joue d’une manière extraordinaire. Il est d’une mélancolie bouleversante. Son amour est vraiment touchant. C'est le fantôme du Golden Gate Bridge. C'est toute la mélancolie du fleuve qui flotte dans ses yeux bleus… A la fin, le voilà seul en haut du clocher, les yeux hagards, les bras ballants, ouverts sur le vide. L’homme est sur un axe vertical. Il est séparé de sa bien-aimée, qui est tombée dans la direction opposée. A la fin de « North by Northwest », un an plus tard, Alfred Hitchcock rectifiera le tir en scellant les retrouvailles de l’homme et de la femme dans une étreinte éternelle, orientée vers le Nord-Est. Les directions sont réconciliées. Le malheur est conjuré.