Il existe quantité de bons films, certains très bons,
et il y en a d' autres qui lévitent dans une sorte d' apesanteur irrationnelle,
de par leur grâce et leur profondeur.
Décennies après décennies, personne je crois n'épuisera les résonances de ce film.
"Sueurs Froides" est un récit initiatique, une traversée des apparences pour un homme,
policier pourtant, mais en fin de compte enfant, trop honnête et généreux pour ce complot qu'on appelle le monde.
Sa découverte des choses cachées derrière les choses, et la mort de ses représentations premières l'emmènera, malgré lui, vers ce qu'on nomme peut -être l' âge adulte, un monde brisé, défait de toute illusion, lucide et nu.
La beauté polaire de Kim Novak, la partition étincelante de harpes et de clarinettes basses de Bernard Herrmann, l' élégance, la noblesse, l'humanité et la candeur de James Stewart, Muir Woods et ses souches d'arbres qui racontent nos brefs séjours sur terre,
les errances circulaires de Scottie dans sa De Soto, la langueur et la brillance de San Francisco, la brume qui voilent tout le film forment une tragédie hypnotique dont on n'expliquera pas le charme .
Tout ceci n'a pas d'explication rationnelle, et en fin de compte, on se demande toujours,
après s' être fait traversé par une telle oeuvre : comment un monde aussi magnétique,
aussi crédible, aussi complet, a t-il pu naître et être concrétisé par l' esprit d'un homme ?
J' ai renoncé depuis peu à convaincre qui que ce soit de la beauté des choses qui m' étaient chères ; "Sueurs Froides", que les initiés préfèrent appeler "Vertigo", est un film qui, comme toute grande oeuvre, semble venir d'ailleurs, d' un au delà de nos pauvres raisons . Avec ce film, Hitchcock a survolé toutes les affaires humaines, l'inertie, le vide, les mirages et le désir qui travaillent en nous, ce besoin crucial qu' a l'homme assoiffé d'absolu de s' accrocher à une étoile .
Sur cette question de la provenance des grandes oeuvres, je crois que c'est Lou Reed qui a dit un jour :
"Electricity comes from another planet" ...
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Premières minutes, Errance, dérive, déréliction, immobilisme, isolationnisme, aquoibonisme, inertie et suspension, Top 15 Films de révélations, et J'affirme que le dénommé Guyness est un coquin, un grigou, un fesse-mathieu et un agitateur et qu'il mérite sans délai la bastonnade pour ces actes de provocation éhontée, au vu et au su de tous.