En 1974, Spielberg poursuivait sa route.
Beaucoup croient que Les Dents de la Mer reste le premier long-métrage du monstre du cinéma qu’est Steven Spielberg. Et pourtant, il y a eu un avant-Jaws ! Un avant qui a débuté avec Duel, road movie où le cinéaste dévoilait déjà son talent à filmer une poursuite en une voiture et un camion « démoniaque » avec énergie et tension (pendant 90 minutes). Un avant qui continua avec Sugarland Express, premier film du cinéaste à sortir en salles.
Et pour son second long-métrage, Spielberg poursuit la route toute tracée par Duel, à savoir celle du road movie. Suivant la longue cavale d’un couple de repris de justice qui tentent de rejoindre leur jeune enfant et de l’arracher des griffes de sa famille d’accueil, poursuivis par l’intégralité des forces de l’ordre. Mais à la différence de Duel, Sugarland Express, ne se présente pas comme un thriller mais telle une parodie du genre. Si au début le film n’impose pas d’office ces bases (avec des personnages qui semblent débiles et surjoués dans un cadre qui semble pourtant sérieux), le côté décalé du film se fait ressentir dès que les héros prennent la route. Offrant aux spectateurs des séquences et détails totalement loufoques dans ce genre de film : flics suivant à la file indienne la voiture du couple, l’otage s’attachant à ses ravisseurs, cascades rocambolesques, les flics faisant leur plein avant de reprendre la course-poursuite, les héros accueilli en héros par le public et la presse, l’héroïne faisant tout un tapage pour aller aux toilettes en pleine course-poursuite… Un humour prononcé et très second degré que Spielberg usera par la suite dans nombreux de ses films, dont les Indiana Jones, Jurassic Park (via le personnage de Malcolm), Hook ou bien basé essentiellement là-dessus comme 1941. Et puis, le cinéaste semble se faire plaisir par moment en faisant valdinguer dans les décors ou entre-elles un nombre incroyable de voiture. Qui se retrouvent sur le côté, sur le toit… À se demande si John Landis ne s’est pas inspiré de ce long-métrage pour les séquences de poursuites de The Blues Brothers !
Il est tout de même dommage que le côté parodique du film ne se fasse pas ressentir durant son intégralité. En plus d’un début mollasson qui n’accroche pas, Sugarland Express perd peu à peu de sa fraîcheur, de son humour bon enfant. L’ensemble freine dès que le scénario creuse petit à petit les personnages qui n’en deviennent pas plus intéressants. Dès que le ton du film se veut bien plus sérieux. Du coup, tout le côté divertissant de Sugarland Express disparait, laissant la place à un drame qui traîne un chouïa en longueur, misant tout sur un final triste (je n’en dirai pas plus) qui se montrait inévitable au bout d’un moment. Un final dont se serait bien passé un film parodique de cette trempe !
Mais ce qu’il faut retenir de Sugarland Express, c’est sa mise en scène. Si Steven Spielberg ne se montre pas aussi inspiré que pour Duel, le cinéaste arrive néanmoins à donner du peps à cette poursuite. Une énergie folle qui se traduit principalement par une caméra qui frôle la carrosserie de chaque véhicule, par une ambiance bon enfant assumée, une musique texane (harmonica a souhait) et des cascades loufoques.
Vous l’aurez compris, Sugarland Express n’est pas un film parfait, loin de là ! Qui, comme la plupart des comédies, perd de son panache au fur et à mesure que les minutes défilent au compteur. Et malgré cela, Steven Spielberg, alors jeune cinéaste de 27 ans, élargissait le panel de son talent après un Duel maîtrisé. Et le succès tant mérité des Dents de la Mer n’a fait qu’ouvrir la porte de ce talent à un plus large public, qui s’est vu augmenté avec une filmographie qui a touché quasiment tous les genres du cinéma (science-fiction, film pour enfant, aventure, guerre, comédie, historique, drame, romance…). Il faut bien des premiers pas pour un réalisateur hors normes, non ?