Crazy Mama.
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Le premier plan de Sugarland Express est celui d’un carrefour. Lieu potentiel par excellence, un poteau y indique une pluralité de directions alors qu’un bus y surgit du hors champ, et non de l’arrière-plan comme on pouvait s’y attendre. Spielberg, à l’aube de sa carrière, a encore le choix des armes, et c’est par une comédie satirique qu’il va se frotter au cinéma, genre dans lequel il ne va finalement pas beaucoup s’illustrer par la suite.
Les débuts du récit sont un peu laborieux, et un certain temps d’adaptation est requis pour se mettre au diapason des étranges personnages qu’il met en scène. Limités, en marge de la société, le couple se met en quête de récupérer le fils dont on leur a retiré la garde, en commençant par évader de résidence surveillée le père avant de kidnapper un policier.
Un peu répétitif, assez lent, le rythme atypique pour un tel sujet, à savoir une cavale avec la police de tout l’Etat aux fesses, le film tire finalement parti de sa singularité. La mélancolie de ces paumés qui perdent de plus en plus pied avec le réel peut s’avérer assez touchante, traînant dans leur sillage une société sur laquelle le regard va se faire très acide. Faux réservistes avide de tir au lapin sur des hors-la-loi, critique du rapport aux armes et de l’impossible dialogue entre les classes sociales, la galerie de portraits qui croisent la trajectoire des protagonistes est saisissante. On pense bien évidemment au superbe Point Limite Zéro dans le traitement médiatique et l’hystérie collective qui accompagne progressivement la virée utopique. Les nombreuses scènes en plans très larges d’une poursuite absurde et lente, convoi de centaines de voitures de police derrière les fugitifs acquièrent ainsi une véritable poésie visuelle, un peu hors temps et hors genre.
Car cette quête vouée à l’échec délaisse de plus en plus ses ambitions comiques. En voulant redevenir parents, et s’insérer dans la société, les proscrits creusent le fossé qui les en sépare. La belle séquence durant laquelle ils regardent depuis un camping-car un épisode de Bip Bip et le Coyote dans un drive-in, l’écran se reflétant sur le pare-brise, en est la métaphore : infantiles, pleins d’espoir, ils s’amusent un temps sans prendre conscience de la chute vertigineuse dans laquelle ils se sont engagés.
C’est donc sur la durée que Spielberg emporte en grande partie son pari : avoir suscité l’empathie pour ces paumés, et porté un regard plus satirique qu’il n’y parait sur la société qu’ils auront traversée : la prise de position des autorités dans la maison des parents adoptifs de l’enfant qu’ils transforment en siège en y cherchant le meilleur angle de tir sous l’œil du bébé porte ainsi un regard dans concessions, mais tout en finesse, sur les failles du Land of Opportunities.
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le 23 mars 2015
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