Show must go home
Le grand bouleversement qui a terrassé l'industrie du divertissement, au cours de ces 30 dernières années, tient en deux points. La fin d'une certaine possibilité d'émerveillement serait presque...
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le 3 août 2016
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« Fuck Marvel » criait David Ayer durant la vaste promotion de Suicide Squad. Ironiquement, c’est à se demander si le réalisateur a réellement vu la gueule de son film. On a beau vouloir diagnostiquer les différences intrinsèques entre Marvel et DC Comics, rien ne laissait présager à une telle catastrophe. Car avec le succès phénoménal de Deadpool (sic), la firme ennemie devait frapper un grand coup : trouver le chemin de la badass attitude. L’ambition pop avait de la gueule au départ en donnant des rôles clés à la sublime Margot Robbie et l’excellent Jared Leto (au final, le Joker n’est qu’une brindille de gangster dans un torrent de merde).
Mais dès le début on sent que le métrage patauge un peu dans la semoule avec cette caractérisation bureaucrate de toute cette troupe de méchant autour de flash-back aussi vains que mièvres et l’apparition inopportune d’un générique dégoulinant. La seule qualité de ces premières minutes est de présenter Harley Quinn : seule éclaircie mélancolique et schizophrénique, seule égérie iconique et vaguement mythologique dans la pénombre d’un film qui ne pourra se relever du gouffre dans lequel il s’est empêtré.
On est alors loin de la découverte ludique et parfaitement imbriquée des Avengers dans son premier opus. Et cette bande de freaks n’aura que pour seul objectif d’être figurative, affichés comme des gueules à GIF ou des futures peluches pour enfants : l’ambiance marketing a tué l’esprit cinématographique. Le film n’a aucun environnement propre ni aucune ambition architecturale dans le processus d’écriture de la « série » DC (malgré l’incursion de Batman et des conséquences que cela amène) et n’est qu’un simple one shot qui n’aurait jamais dû voir le jour.
David Ayer passe tellement de temps à essayer de nous faire connaitre ses creux personnages qu’il en oublie son intrigue vide de puissance qui va d’un point A à un point B pour sauver le monde ou des membres de la bande avec des rebondissements connus d’avance (puce explosive). Sans parler de l’ineptie invraisemblable de certains choix (les motivations de Waller ? La présence du Bad guy ?) et du navrant sens de la répétition d’un récit bien morne. Suicide Squad arrive même à être encore plus laborieux dans son écriture que Terminator Genesis avec son final pyrotechnique façon kermès pour marmot. Car si toute la publicité promotionnelle autour de Suicide Squad annonçait un concurrent direct à Deadpool ou aux Gardiens de la Galaxie, il n’en est rien.
Encore pire, DC Comics marche sur les plats de bande de Marvel : humour potache, vanne à gogo, dialogue second degré, esprit punk de pacotille, cool attitude façon pub coca cola et single pop musique inappropriée au possible, Suicide Squad est une diarrhée visuelle et auditive rare. On est loin de l’osmose entre Kavinsky et Refn. Bien évidemment, il est un peu hypocrite de cracher sur un film comme Suicide Squad. Tellement simple de tirer sur l’ambulance. Mais c’est non sans une pointe de déception que l’on voit la bande à Batman se tirer une balle dans le pied. C’est clairement pire que cela : une amputation. Un aveu d’échec d’une firme qui désacralise une marque par soucis de concurrence et qui n’arrive même pas à offrir le minimum syndical : un divertissement simple et fun.
Oui, DC Comics n’a pas fait les bons choix : comment donner les clés du camion à un piètre réalisateur comme David Ayer même si le choix n’était pas si idiot que cela à la vue de la filmographie du gugusse : il sait filmer les anti héros névrotiques et a un certain talent pour composer les unités militaires et policières. Et comme à son habitude, la fétichisation de la violence armée est présente mais dans Suicide Squad, tout est édulcoré, aussi violent qu’un épisode du Prince de Bel Air. Deadpool avait les couilles de balancer la sauce niveau gore qui tache un peu. Là l’ambition se rétrécie à quelques ralentis bien sentis, des combats sympatoches avec des épées et des gunfights aussi bien branlés qu’un Luc Besson.
Le réalisateur de Fury mais surtout du faible Bad Times ou de l’exécrable Sabotage diffuse à l’écran toutes ses carences en tant que metteur en scène : montage épileptique, action illisible, esprit famille bœuf, photographie neutre et grise (où est la couleur du générique ?) et écriture aussi subtile qu’un meeting de Nicolas Sarkozy. D’ailleurs il n’est pas anodin de parler de Sabotage car Suicide Squad suit à peu près la même trame : sous le regard d’un super Soldier Rick Flag, une bande pote (Task Force X) vont devoir tout casser sur leurs passages.
Et encore une fois la mayonnaise ne prend pas, jamais la cohésion entre les personnages ne parait crédible. Leur fausse familiarité à la « Fast and Furious » fait même peine à voir. Elle fait même rire (Deadshot et son esprit papounet). Suicide Squad se plante dans toutes ses largeurs, quitte à remettre en question toute la direction artistique DC Comics. Certes BvS avait déjà montré des signes d’alerte quant à la qualité de l’entreprise mais gardait cette capacité à faire évoluer ses personnages dans un environnement sombre en cohérence avec son prédécesseur Man of Steel.
Mais cette fois Suicide Squad arrive comme un cheveu sur la soupe et est le déclencheur d’une seule question : Marvel a-t-il gagné la guerre des super héros ? Car si l’on peut argumenter sur les faiblesses de Marvel et l’académisme de ses réalisations parfois anorexiques, la bande des Avengers déroule leur histoire dans un univers cohérent avec un vraie ligne de conduite, mais qui a comme défaut d’uniformiser la plupart de ses œuvres. Chez DC Comics, c’est le contraire. Mais quand la cohérence et la personnalité ne sont plus là, que reste-il ? C’est ce que l’on se demande à la fin de Suicide Squad.
Créée
le 4 août 2016
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