Alors, le petit Clint, on l'attend au tournant, une fois de plus. On le connaît, le gaillard. Ça fait 45 ans qu'il nous bassine avec ses histoires de héros, et au moins 20 ans qu'il nous dit, par films interposés, qu'il est trop vieux pour ces conneries. Est-ce qu'il a encore quelque chose à nous dire, le bonhomme ?


Sans la moindre surprise, Sully est une histoire de héros. Et pour mieux l'appréhender, je crois qu'il faut diviser le film en deux parties.
Le début est vraiment bien foutu et très convaincant. Avec intelligence, le scénario commence le film après l'accident, cet amerrissage foutu dans l'Hudson River. Eastwood ne semble alors pas décidé à nous montrer la catastrophe, et ça paraît une excellente nouvelle. Le récit se concentre donc autour du pilote et de l'accueil qui lui est réservé.
C'est peut-être là l'originalité du film dans l’œuvre du cinéaste. Au lieu de se demander comment on devient un héros, au lieu de nous dire que les héros ne sont pas toujours ceux auxquels on pense et qu'ils n'ont pas toujours l'air d'en être, Clint verse son récit dans l'après. Quel est le destin du héros une fois son acte héroïque accompli ?
Et le constat est plutôt amer. Bien entendu, il y a toujours les éloges, la célébrité, avec son lot de coups de communications (l'incontournable apparition chez David Letterman, où on sent que Sully n'est absolument pas à son aise). Mais il y a surtout les attaques, les incompréhensions, les reproches. Il a sauvé 155 vies ? Oui, lui répond-on, mais en prenant le risque d'amerrir, il aurait pu les perdre. Il a risqué des vies inutilement.
Il a pris la seule décision viable ? Pas sûr, puisque des ingénieurs, bien assis tranquillement dans leurs bureaux et sirotant leur café, ont dit qu'il aurait pu atteindre l'aéroport le plus proche, voire même revenir à La Guardia.
Et nous voilà dans une morale typiquement américaine, le conflit entre un homme de terrain et une administration qui ne sait rien de la vraie vie.
Au-delà de ce conflit, c'est surtout l'impact que cela a sur Sully qui est intéressant. « J'ai transporté plus d'un million de passagers pendant 40 ans, et je vais être jugé sur ces 208 secondes... »
L'acte héroïque se retourne finalement contre celui qui l'a accompli. C'est cet accueil paradoxal qui occupe la première partie du film et qui en constitue le principal intérêt.


(Au passage, ne peut-on pas voir ici un pied-de-nez de Clint lui-même ? Le vieil homme qui a plus de 40 ans de carrière, qui n'a plus à prouver son talent et qui n'a peut-être pas apprécié les critiques négatives sur son très bon American Sniper, des attaques totalement injustifiées, et qui se met ici en scène... Une piste de lecture intéressante...)


Hélas, mille fois hélas, le film prend une autre tournure dans sa seconde moitié. D'abord par une reconstitution du drame dont on aurait pu se passer, même si Eastwood essaie au maximum d'éviter un spectaculaire qui serait malsain ici.
Mais surtout parce que le film se termine en un bête film de procès pour savoir si Sully a eu raison ou non d'agir comme il l'a fait.
Et là, le film perd tout son intérêt et devient un bête téléfilm des après-midi de la 6.
D'autant plus que, du côté interprétation, si Aaron Eckhart est très bon, Tom Hanks continue à jouer Tom Hanks en train de jouer un personnage.
Au final, un film maladroit, qui aurait pu être vraiment bon s'il s'était contenté de suivre sa première voie. Mais peut-être le projet en lui-même était-il un peu léger pour faire un long métrage...

SanFelice
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le 7 déc. 2016

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