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Le projet Sully pouvait être une nouvelle occasion de célébrer le all american hero, le type normal soudain pris dans une situation extraordinaire, devenant infaillible et porté au rang d'icône instantanée. Ce serait un peu vite oublier que derrière le film, il y a un Clint Eastwood, qui, à nouveau, pose un oeil désabusé sur les mythes américains, comme il avait pu le faire dans American Sniper, mais plus encore dans un Mémoires de Nos Pères, dont il reprend ici la mise en scène des traumatismes en les vissant dans la tête de son personnage principal, qui revit l'instant fatidique, qui se dédouble à l'écran, qui hallucine littéralement, comme dans cette scène d'ouverture qui scotche d'entrée de jeu le spectateur.


Tom Hanks ne pouvait que s'inscrire dans le cockpit de cet avion en perdition, tant son physique passe-partout se prête à l'exercice, tout comme son allure bonhomme, sa maturité et son look de père de famille lambda, accentué dans tous ces aspects par ses tempes grises et son cou large et strié, un peu comme dans, de manière récente, un Pont des Espions tout spielbergien ou encore un Capitaine Phillips.


Ainsi, sur des terres déjà empruntées par Robert Zemeckis à l'occasion de son Flight, Clint Eastwood, même s'il donne à revivre l'amerrissage par trois fois au cours de son récit, s'intéresse d'abord à son pilote, puis, par extension, à cette société américaine qui, finalement, marche sur la tête, tant, dans un même mouvement, elle célèbre l'exploit tout en remettant en cause le fondement même de l'acte de bravoure. Car, malgré cent cinquante cinq vies sauvées, Sully n'est pas un héros aux yeux de sa compagnie et des assurances encravatées, celles qui ne raisonnent qu'en termes de risques, de probabilités, de simulations froides et objectives.


Le regard porté par Clint Eastwood sur l'Amérique s'adoucit quelque peu en mettant en scène New York comme le second personnage principal du récit, animé des bonnes volontés, des altruismes, des secours ou encore du sentiment de culpabilité éprouvé, par exemple, par un contrôleur du ciel qui croit avoir perdu l'avion sur son radar. Une manière sans doute, pour Clint, de recentrer sans cesse les débats sur l'humain, cette seule variable qui restera à jamais une inconnue au sein des équations et des projections théoriques. Comme me le soufflait tout à l'heure l'ami Star Lord alias Peter Quill, le maître mot de ce Sully est l'humilité : celle de son héros qui répond à celle de la mise en scène déployée par Eastwood, sobre et simple, qui détonne au sein du paysage cinématographique actuel des blockbusters colorés. La photographie froide qui anime le crash sur l'Hudson en est l'illustration la plus évidente, comme les mouvements de caméras, parfois amples mais le plus souvent anti spectaculaires.


Notre cowboy fait évoluer son anti héros à hauteur d'homme, étouffé par la pression médiatique, la traque de ses fautes dans le cadre de l'enquête, mais surtout sa remise en question, ses doutes, l'absence de certitudes sur le bien fondé des décisions qu'il a prises dans l'urgence de la situation. A ce titre, ses silences, alors qu'il entame un jogging solitaire dans les décors urbains qui l'écrasent, ou encore ses conversations téléphoniques sans cesse interrompues avec son épouse aimante, valent autant que son monologue devant la commission d'enquête, poignant et profondément sincère.


Seul petit reproche que l'on pourrait faire à ce Sully extrêmement agréable, maîtrisé, comme apaisé, c'est cette fin qui pourra apparaître un poil précipitée, qui oublie peut être de reformer le couple Sullenberger, alors que son épouse, interprétée par Laura Linney, incarne l'ancrage du pilote, de l'humain.


Défaut bien mineur dans la carlingue de ce bel oiseau de métal.


Behind_the_Mask, qui a trop peur de prendre l'avion, même si c'est Tom Hanks qui pilote...

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le 30 nov. 2016

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