Summer a quelque chose de déjà-vu, forcément, n'en déplaise à son intrigue revisitée maintes et maintes fois au cinéma : celle d'une romance adolescente estivale, symbole éternel d'un affranchissement doux-amer des lois de l'innocence, où l'émancipation s'établit dans l'éphémère d'une relation brève mais passionnelle d'où l'on ressort à jamais transcendé.


L'intérêt du film, cependant, se situe ailleurs, dans sa capacité à, comme son personnage, Sangaïlé, jeune fille discrète et mal dans sa peau, a priori timorée, s'envoler au-delà des névroses et conventions qui la maintiennent ici-bas et l'empêchent d'atteindre sa véritable essence. Summer a trouvé son identité, celui d'un récit de formation d'autant plus authentique qu'il est à la fois poétique et minimaliste, sensuel et léger.


Quelque part réminiscent d'un Virgin Suicides, dans les thèmes et dans les tons : le mal-être et l'écrasante solitude juvénile revêtent les couleurs chatoyantes de l'été, pouvant se targuer d'une photographie léchée, presque psychédélique, quelque part, quand elle accorde le jaune lumineux de la douceur sentimentale au rouge fougueux d'une passion charnelle venant éclipser la pudeur apparente de ses personnages.


Et quelque part, il est une combinaison intelligente des tableaux adolescents mouvants façon Gus Van Sant (Paranoid Park ayant été cité par Alanté Kavaïté comme une source d'inspiration notable), se pavanant élégamment sur un terrain connu (Naissance des pieuvres, My summer of love), celui du parcours initiatique adolescent, en y alliant la chorégraphie gestuelle subtile et voluptueuse du merveilleux Carol de Todd Haynes : quand le désir expire à travers les sens et dans la délicatesse du cadrage, plaçant toujours la caméra au bon endroit au bon moment, et parvenant de cette manière à capter l'insondable et l'inavouable de la pulsion amoureuse, prête à envahir l'espace.


Alanté Kavaïté sait filmer les corps nus de ses deux amantes, drastiquement différentes, les situant au milieu du cadre, qu'elles omnibulent d'une présence presque enchanteresse, féerique, donnant au film des accents de conte acidulé, pétillant, hypnotique et terriblement moderne : pop, autant dans la BO, électrisante, que dans l'écriture, suggestive, hors du temps, éclatée.


Ce que l'on retient immédiatement de Summer, c'est sa force invétérée, la lueur d'espoir qu'elle offre à une jeunesse en proie à la désillusion et au désespoir, à la manière d'Auste, qui décèle en Sangaïlé une force insoupçonnée, meurtrie sous la fragilité : dans la finesse de sa métaphore, c'est une fois l'esprit libérée de ses démons que le corps peut s'envoler, lui aussi, vers des cieux plus radieux et sans limites. L'avenir est à nous, n'aie pas peur du vide.

Lehane
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le 5 mai 2016

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