De la série "Stranger Things" à tous les remakes/reboots des films cultes de cette époque, les années 80 semblent être un filon inépuisable afin d'appâter un public prêt à tout pour renouer avec l'esprit naïf d'une époque cinématographique qui n'était pas encore totalement gangrenée par une industrie devenue terriblement cynique. D'ailleurs, comment ne pas voir la prolifération actuelle d'oeuvres surfant sur cette vague rétro comme la meilleure traduction de ce cynisme ambiant ? Jouer sur les sentiments nostalgiques d'une partie du public en vue d'un succès en retour est le parfait exemple de la logique mercantile qui s'est mise à animer ces productions. Mais, devant une offre de plus en plus considérable, la corde sensible des spectateurs vis-à-vis de ce genre de propositions devient de plus en plus difficile à faire vibrer et, si le seul décorum 80's pouvait être synonyme de succès il y a encore quelques temps, aujourd'hui, il ne peut plus être l'unique raison d'exister de ces films qui se doivent désormais d'en proposer beaucoup plus.


C'est donc avec cette difficile équation à résoudre que "Summer of '84", deuxième long-métrage des Roadkill Superstar (Francois Simard, Anouk Whissell et Yoann-Karl Whissell) après "Turbo Kid", doit composer et, le moins que l'on puisse dire, c'est que le film va énormément miser sur nos retrouvailles avec cette époque révolue dans un premier temps... voire même un peu trop.
Bienvenue donc dans une petite ville américaine typique des années 80 et vivant encore dans une illusion d'"American way of life" vouée à voler en éclats ! La façade d'une communauté parfaite de banlieue US est encore une idée présente chez ses habitants mais, dès que l'on s'y attarde d'un peu plus près, les dysfonctionnements sont déjà présents, comme étouffés par les murs des maisons et laissés en leur sein pour maintenir l'enveloppe de ce mirage rassurant. L'arrivée d'un tueur en série dans cette bulle artificielle représente probablement la pire menace que la réalité du "monde extérieur" puisse envoyer en y créant un climat paranoïaque qui rompt avec une de ses composantes principales, la bonne entente entre voisins. Mais, pour des adolescents en quête de frissons dans la banalité de ce cadre, il s'agit surtout d'un évènement synonyme d'une grande aventure, surtout lorsque leurs soupçons se portent sur un policier, voisin respecté et a priori respectable de l'un d'entre eux. Aux côtés de ces jeunes seuls contre des adultes qui ne les croient évidemment pas, le spectateur retrouve forcément une part de sa jeunesse dans l'innocence de leurs sentiments - mélange de fascination, de curiosité et de peur- qui les pousse à mener leur enquête afin de dévoiler un élément discordant de leur propre communauté. De ce point de vue, on pourrait dire que "Summer of '84" part sur de bonnes bases et qu'il semble avoir vraiment quelque chose à raconter mais le film va rapidement nous donner tort en se mettant peu à peu à ressembler à une compilation qui s'est donnée pour devoir de n'oublier aucun cliché rattaché à l'imaginaire 80's.
Tout y passe, mais alors vraiment TOUT : les ados en vélos, le livreur de journaux qui se rêve en futur Spielberg, l'amourette avec la girl next door, les vannes graveleuses sur les mamans, la première gorgée de whisky, la cabane dans l'arbre, la virée en voiture, la sortie au bowling, les références aux classiques du cinéma... Et, au bout du compte, ce "tout" se tranforme en "trop" (même en "beaucoup trop") donnant des airs de grosse caricature de cette époque à "Summer of '84" où l'émotion peine à s'installer.
Même la bande de petits héros tombe dans les poncifs des personnalités qui la composent (le héros timide et fan de thèses conspirationnistes, le petit intello binoclard, le type cool à problèmes ou encore le jeune en surpoids) et échoue à emporter notre empathie à cause d'une fausse naïveté tellement surlignée qu'elle ne fait qu'amplifier cette impression d'entreprise préfabriquée. À vrai dire, les seuls moments où un minimum de naturel reprend le dessus sont dus à la relation du héros avec sa jolie voisine ou lorsque l'on découvre (trop vite) l'envers du décor de cette banlieue chez chacun de ces adolescents. Du côté de l'enquête de la bande, l'argument autour de la véritable nature de ce policier tient la route avec son lot de preuves et contre-preuves pour maintenir le trouble mais le tout s'éternise vraiment trop longtemps sous l'avalanche de clichés qui l'accompagne et perd en tension jusqu'à la surprenante dernière partie du long-métrage.


C'est en effet dans son dernier acte que "Summer of '84" va révéler la globalité de sa construction bien pensée mais très maladroite. Le film nous a enfermé dans ce cocon confortable d'idéal adolescent pendant sa majeure partie (sans doute trop), le poussant même à son apogée, et il le brise soudainement dans son dernier quart d'heure en y faisant déferler tout le versant le plus cruel de la réalité. Le monde extérieur rattrape abruptement ce fantasme de banlieue parfaite et offre un passage à l'âge adulte d'un pessimisme effarant à nos jeunes héros qui n'en sortiront pas indemnes. "Summer of '84" fracasse tout bonnement les illusions propres à cet âge face à la violence de notre monde. Le discours est plutôt audacieux et à saluer rien que pour ce parti pris très sombre de dernière minute mais le fait qu'il soit expédié dans le dernier quart d'heure face au reste d'un long-métrage qui a préféré se complaire pendant toute sa durée dans la facette la plus facile de ses développements démontre l'architecture trop bancale de "Summer of '84", un pari qui aurait pu être bien plus osé en exploitant mieux son idée tardive de rupture de ton.


Grâce à ce final atypique, "Summer of '84" trouve au moins une raison d'être en dehors de son seul intérêt rétro 80's mais il s'en est fallu de peu. Avant cela, le spectacle était loin d'être déplaisant mais, à part la nostalgie d'une époque sans cesse mise en exergue, il ne reposait pas sur grand chose de très consistant.

RedArrow
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le 21 janv. 2019

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RedArrow

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