Icare, ce célèbre mythe grec. Cet homme, pourvu d'aile, grisé par le vol, finit par s'approcher un peu trop du soleil et brûle avant de sombrer dans l'océan. Le mythe nous dit une chose : à aller trop loin, trop vite, à se prendre pour Dieu, on se "brûle les ailes". Le fameux adage ne doit rien du hasard.


Sunshine est un de ces films qui illustre ce mythe. La référence est claire : le vaisseau porte le nom d'Icarus II, le second vaisseau envoyé vers le soleil après la mystérieuse disparition du premier. En effet, le soleil se meurt. La terre s'est refroidie, mettant en péril l'humanité. Il faut donc, avec une bombe nucléaire réveiller notre étoile. Mais, cet astre, magistral, à l'origine de la vie, contemplé par les hommes admiratifs et béats, depuis des millénaires, est d'une dangereuse beauté. En regardant le soleil depuis la plateforme d'observations, l'équipage du vaisseau sombre dans une douce mélancolie. Ne regarderaient-ils pas Dieu ? Leur voyage, difficile et interminable, coupé du monde ne les mèneraient-ils pas à comprendre quelque chose, à trouver la réponse au mystère ? C'est en tout cas un bel hommage au métaphysique 2001.


Le sujet est plutôt grandiose et bien traité. La caméra, lancinante, s'attarde sur cet astre que l'on contemple scotché. C'est beau. La musique, planante, y est aussi pour beaucoup. La sobriété est de mise. Le vaisseau est décrit avec beaucoup de minutie. Tout d'abord, cette serre, très réaliste, petit havre de paix et de verdure, poumon de ce vaisseau nu, fait d'acier de tuyaux. Il y a ensuite ces séances de rêves, administrées en cas de coups de blues, ou de colères. Un véritable baume au coeur. Ressentir des vagues nous ébouriffer le visage, sentir la douce odeur d'une forêt verdoyante : une admirable machine à rêve, magnifique et grisante à la fois, tant elle jure avec la froideur de l'espace.


Evidement, la mission ne pouvait être accomplie décemment et simplement. La psychologie des personnages, très fouillée, nous conduit à déceler, même chez les personnes les plus équilibrées et les plus brillantes, les faiblesses de l'âme humaine. Par de menus détails, puis par la prise de décisions précipitées, l'équipage court à sa perte et meurt petit à petit. Lorsque le courage et l'orgueil prennent le dessus, après que l'équipage ait détecté le premier vaisseau, croyant en la chance de récupérer une seconde bombe et de confirmer davantage le succès assuré de la mission, tout bascule et rien ne se passe comme prévu.


La deuxième partie du long métrage vient cependant gâcher les belles promesses. On en arrive à une sorte de course poursuite faussement mystique aux relents de thriller pour pas grand chose. Le film se gâte comme le vers dans le fruit.


L'immensité de l'espace est cruelle, bien trop vaste pour l'homme. Il y perd tout, même son âme. Reste alors à contempler éternellement l'astre solaire, objet mystique et divin et à se sacrifier pour la postérité ; grandeur et décadence de l'homme. Je noterais cependant un bémol : la seconde partie du film tourne un peu au thriller psychologique, s'égarant quelque peu de son objet initial, sublime et pourtant amplement suffisant. Mais elle illustre quelque part le sujet du long métrage : trop d'orgueil, en faire un peu trop, et c'est la déroute, on se brûle les ailes. Heureusement, la scène finale, et émouvante rachète un peu le tout. Le mythe d'Icare est intact.


"Le soleil ne se lève que pour celui qui va à sa rencontre." Henri Le Saux

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le 27 févr. 2014

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Tom_Ab

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