Quatre matinées ordinaires d'écoliers du bout du monde. Quatre horizons, quatre cultures, Trois continents. Le film était porteur de belles promesses. Des promesses à la hauteur des paysages, filmés avec beaucoup de grâce. Pourquoi alors s'est il achevé sur une note aussi amère ? Autopsie d'un sabordage annoncé.
Premières images : Jackson se lève et déjeune avec sa famille. Dialogue. Papa entonne un discours sur l'impérieuse nécessité d'aller à l'école et la chance qu'elle représente pour le fiston et Salomé, la petite sœur. Sachant que Jackson s'y rend fréquemment... Pourquoi diable doit-il subir ce genre de sermon pour une matinée ordinaire ? Et... Qu'est-ce que c'est que ce doublage ? Le projectionniste a raté son coup, il a lancé une VF à couper au couteau... Génial. Serrons les dents, il n'y en a que pour une grosse heure ! Retour à l'objectivité.
Pendant ce temps là, à quelques milliers de kilomètres au nord, Zahira se prépare à rejoindre son internat. Sa grand mère lui fait entrevoir la chance que cela représente pour elle. Bon, on peut comprendre : elle restera toute la semaine à l'école, loin de sa famille.
Après un petit détour en Patagonie où la petite sœur de Carlos semble plus heureuse de chevaucher avec son frère que d'aller simplement à l'école (normal, me direz-vous... et... trop mignon !), retour au Kenya. Musique oppressante : on va traverser le territoire des éléphants, et les éléphants, c'est dangereux. Attention, ils chargent ! Vite, Jackson et Salomé se cachent... Le danger passe. Le petit bonhomme vert s'allume, on peut traverser la savane sans être renversé par un chauffard à défenses d'ivoire.
Premier constat : la limite entre le documentaire et la fiction a disparu. On se situe dans un genre bâtard où les prises de vues documentaires sont montées dans un but fictionnel -un docu-fiction, donc- plus que discutable. Le trajet de Jackson et Salomé se mue en traversée de Toulouse à l'heure de pointe (et je sais de quoi je parle), celui de zahira, en contre la montre sur une montée de l'Alpe d'Huez et celui de Carlito... en concours complet hippique. Le réalisateur semble désespérément traquer le moment de tension, et le souligne copieusement de vibrato. Attention, là ! Le cheval va glisser ! Le ravin est profond ! Prenez-garde ici : l'éléphant barrit ! Le drame arrive ! la copine de marche a une ampoule au pied ! On va arriver en retard, et ce n'est pas le jour ! Palpitant !
Second constat : les traits culturels sont mis en évidence d'une bien étrange manière (et c'est un euphémisme). Le muletier marocain est un mufle : il n'aide pas les jeunes filles. Le chauffeur de camion est antipathique... les habitants de l'Atlas ne sont pas très honnêtes et assez nonchalants (Leur apparition constitue un des rares moments où la VF se fait savoureuse). À l'opposé, les Indiens sont super sympas, compatissants et tout... On caricature un peu, d'accord... Mais ne nous attardons pas trop : nous ne sommes pas là pour présenter le contexte réel dans lequel évoluent ces pauvres gamins courageux.
Le discours auto-satisfait (Regardez, jeunes occidentaux ! Mesurez la chance que vous avez d'avoir un bus devant votre arrêt tous les matins !) et les dialogues visiblement promptés aux familles ne vous ont pas encore convaincus ? Qu'à cela ne tienne : sortons la botte secrète ! Samuel, jeune garçon présentant des faiblesses motrices, poussé par ses deux jeunes frères sur un fauteuil roulant de fortune sur les routes de l'Inde, va vous arracher votre petite larme. Quelle malchance, mais quelle maturité, et quel optimisme ! Tout le monde l'aide, et vous aussi, vous l'encouragerez en écoutant ses mots (si vraiment ils sont de lui) dans un silence respectueux...
Angélisme, clichés, misérabilisme... Tout ce qu'on attend d'un documentaire. Réservez celui là pour un dimanche après-midi pluvieux, quand il passera sur France 5, partenaire du film. Et si finalement le ciel s'éclaircit...
Mais je pense que vous ne tiendrez pas longtemps dans votre canapé.
En revanche, si vous voulez donner une leçon à votre enfant...
Mais n'espérez pas le convaincre d'aller à l'école avec plus d'entrain qu'avant avec ça !
Et surtout, surtout, fuyez la VF, et passez votre chemin !
-M.À J.-
On me signale dans l'oreillette qu'en réalité, cette histoire de VO/VF n'était qu'un mythe. Ce film est tout bonnement disponible uniquement... Doublé en français, si, si !
Bon, pour se remettre un peu les idées d'aplomb, je vous propose ce documentaire avec sous-titrage, traduit, d'une objectivité peu flagrante, mais autrement plus ancré dans la triste réalité de notre monde modernisant :
Le Thé ou l'électricité (Un petit clic sur l'URL devrait vous apporter plus d'informations à son sujet)
http://www.senscritique.com/film/Le_the_ou_l_electricite/8460603#