Un 5+ pour moi
Je comprends pas comment on peut essayer de tenter de chercher à gratter une quelconque morale à ce film. Ce sont juste des sketchs clipesques dont le lien principal est un aboutissement absurde (...
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le 28 sept. 2013
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[critique originellement sortie en 2014, on vieillit, c'est affreux !]
Mimi (Kyoko Koizumi) est une publiciste barjot qui a pour mari un hypnotiseur célèbre de la télévision, Aoyama (Hiroshi Abe), véritable ordure avec elle. Mimi décide de le faire assassiner par un tueur à gages anglais (Vinnie Jones), accompagné de son traducteur/entremetteur japonais. Aman (Tadanobu Asano) est un serial killer qui voit sa dernière victime revenir à la vie pour se venger. J (Jai West) est le chef d’un gang de 3 minables, dont l’un d’eux, Morishita (Yoshiyuki Morishita), est intensément amoureux. Les amis partent en vadrouille se faire de l’argent en commettant des larcins. Tatsuya Kobayashi (Ittoku Kishibe) est un père de famille ‘’normal’’, qui mène une vie banale. Il annonce à sa femme et ses deux enfants qu’il a réussi à avoir sa place dans la célèbre émission télévisée d’Aoyama. Kobayashi part avec sa famille dans l’espoir de décrocher la cagnotte promise s’il parvient à résister au pouvoir de l’hypnotiseur.
Voici le point de départ de Survive Style 5+. Il s’agit d’un film choral, sans intrigue principale, mais composé d’une multitude d’histoires qui se rejoindront au fur et à mesure. Au-delà de la logique narrative, la première chose qui choque rapidement après le début du film est qu’il n’y a aucune volonté de traiter l’histoire avec un début, un milieu et une fin. En somme de posséder une dramaturgie classique. Le seul lien trouvé entre ces histoires est d’ordre créatif et, si on peut dire, dans la recherche d’une certaine l’originalité.
Cela n’apparait pas étonnant si l’on sait que Sekiguchi a réalisé dans la pub et fait deux courts métrages passablement barrés avant de faire ce film. En témoigne son Bus Panic !!! (2001, 5 minutes), scénarisé par son acolyte de Survive Style 5+, Taku Tada. Il s’agit de l’histoire d’un bus scolaire détourné par un fou furieux (Jai West), et d’un policier qui, en voulant mettre une amende, se fait coincer les doigts par le propriétaire du véhicule. Ce dernier, dans un souci manifeste de s’amuser un peu, décide d’emmener le flic faire une virée en courant avec le doigt coincé dans la vitre. Que ce soit dans Survive Style 5+ ou dans Bus Panic !!!, le même problème et la même qualité persistent : le manque d’une certaine cohérence entre les histoires qui paraissent un peu creuses, mais soutenues par une originalité certaine. Ce choix pour un court métrage peut se comprendre et passer, mais pour un film de deux heures, il faut réussir à inventer.
Ceci établi, intéressons-nous un peu plus à ce que nous propose concrètement ce film sorti en 2004 et ayant eu un petit succès. Commençons par du positif et la douce « folie » qui parcourt ces deux heures. L’exemple le plus frappant et réussi est sans doute celui de Mimi (campée par la toujours formidable ‘’Kiyoshi-Kurosawaienne’’ Kyoko Koizumi), la publicitaire barjot qui mène une vie de succès mais empoisonnée par son mari Aoyama. Des idées de publicités farfelues lui viennent comme des visions, des prophéties publicitaires, qu’elle enregistre après avoir cligné des yeux. Le rideau d’un petit théâtre s’ouvre alors sur la pub qui nous est montrée. Dans le registre délirant, citons cette pub présentant une face à deux visages tournant sur elle-même (avec la tête hilarante de Yoshiyuki Morishita, qui joue le gay amoureux de J dans le film), les deux se battant tour à tour pour choisir tel ou tel plat à la manière d’une roue non régie par la fortune, mais par la détermination de l’une des deux faces… Ou encore une pub pour un fournisseur internet imaginée après une performance très rapide de son mari Aoyama au lit (ce qui est une excellente idée au passage, et qui a sûrement été exploitée tant cela paraît évident !). Ces moments sont souvent très drôles, et plutôt bien mis en scène.
Les autres histoires reprennent ce principe de gimmick. Il y a la femme enterrée selon la même liturgie par Aman et revenant à chaque fois par surprise lui botter les fesses ; le regard énamouré de Morishita lorsqu’il discute avec J, puis la terrible question - pour ceux qui la subissent - du tueur à gages ("What is your function here ?"). Sûrement dues au scénario, ces répétitions ne sont pas là comme bonus, mais apparaissent presque comme des vecteurs autour desquels sont construites les scènes. Les seules exceptions notables étant l’histoire du bon père de famille Kobayashi (joué par le-monsieur-dont-on-connait-la-tête-car-on-le-voit-partout-mais-pas-le-nom, Ittoku Kishibe, plus de 130 films à son actif...), dont la situation va évoluer au cours du film, et une partie de l’histoire d’Aman. Du coup, on ressent les histoires comme un peu creuses, car construites sur des piliers trop faibles pour soutenir un édifice qui se doit d’être ultrasolide pour l’exercice d’un film choral (on pensera alors à Short Cuts de Robert Altman).
Cela découle probablement de la volonté d’une mise en scène ambitieuse et travaillée, de trouver la cohésion entre les histoires dans l’image. Mais au final, cette dernière se révèle un peu trop clinique et pauvre malgré l’abondance de couleurs et de décors. Ainsi, la scène du premier retour de la femme vengeresse est symbolique. Le retour parmi les vivants se ponctue par un fastueux dîner, servi en personne par la belle. L’ensemble est presque baroque, et se présente, à son échelle (des dizaines et dizaines de produits alimentaires différents, l’ensemble est pléthorique) un peu comme un hamburger Dac Monald dans une pub : le tout est ici certes fastueux, beau, parfaitement agencé, mais a l’air terriblement lisse, monté et fabriqué. Le film prend, disons-le, l’air d’une performance « pop art » dont chacun des tableaux présentés comporte son style, plus ou moins réussi, mais dénué de fond. Ce qui sans de très bonnes idées visuelles peut être gênant pour un long métrage.
Outre ces constantes références visuelles à l’univers du pop art et de la publicité, Sekiguchi fait aussi directement appel au spectateur et à sa mémoire sur ce que lui serinent à longueur de temps les annonceurs à la tévé, sur le oueb, dans la rue, dans les transports, les journaux... En ce sens la famille d’Ittoku Kishibe apparait en tout point comme étant l’exemple familial publicitaire ultime, comme vivant sa vie d’après une réclame qui correspondrait à chacun des stéréotypes que les membres de la famille incarnent. On retrouve le père travailleur mais un peu zinzin (une pub pour une boisson énergisante, pour une montre de luxe ou pour un dentifrice), la femme toute dévouée et garde fou du père (une pub pour un crème anti-âge, pour des bentō tout-prêt-fait, pour un produit vaisselle qui rend les mains douces et élimine 99% des bactéries), la fille studieuse mais fatiguée des devoirs après avoir beaucoup étudié (une pub pour un journal intime qui protège tous ses secrets, pour une mini serviette hygiénique invisible car fusionnant avec sa culotte), en finissant par le cadet jeune et joueur, un peu rêveur (une pub pour un équivalent japonais des éditions Atlas sur l’aviation depuis ses débuts jusqu’à nos jours, avec en premier cadeau exclusif l’aile gauche de l’Albatros de Le Bris) [1]. Jusqu’à évidemment la pièce blanche et parfaitement rangée, le mobilier, le pavillon… Il ne manquait que l’animal de compagnie (qui apparaitra tout de même sous une certaine forme dans la suite du film…).
L’impression qui se dégage de cette famille et de la manière dont elle est exploitée est plutôt étrange. Dotée d’un caractère extrêmement superficiel, cette famille subit un « drame » qui chamboule son train-train quotidien. Aussi, voir chacun des membres lisses et vides devenir tout à coup « humain » est plutôt bizarre. Pire, le problème est au final que Sekiguchi, réalisateur de pub, inspiré par la pub, ne met clairement pas en avant cet aspect alors même que tous les pores de son film en crient l’appartenance. De plus, l’intrigue qui découle de cette bonne idée de départ se révèle finalement assez inaboutie car traitée laconiquement et sans inspiration.
La critique sur ce sentiment d’inachevé est valable pour l’ensemble du film. Toutes les histoires souffrent de problèmes narratifs, et toutes se closent imparfaitement. Du coup, la fin qui est voulue onirique et poétique souffre du manque de développement des autres « intrigues ». Elle apparaît comme gentillette, mais surtout posée comme un cheveu sur la soupe, même si une préparation scénaristique est belle et bien présente. Quel dommage et quel paradoxe !
En somme, Survive Style 5+ est un film qui ressemble plus à une suite de tableaux pop assez barrés, présenté dans un emballage publicitaire pas spécialement assumé et traversé par une certaine folie (style ?) comme ligne conductrice qui se révèle plus ou moins bancale. C’est une tentative de performance visuelle qui est malheureusement entachée d’un scénario trop faible et d’une réalisation parfois honteuse (suivre Mimi qui court pendant des plombes en montage parallèle sans comprendre l’utilité de la scène sur une telle durée est passablement lourd). Sur deux heures, le film a du mal à tenir la route sur ses seules idées graphiques malgré une volonté d’originalité indéniable. Cependant, sans être trop exigeant, le film reste divertissant à plusieurs égards, notamment grâce à Koizumi, et à l’histoire du gang des pieds nickelés, où le couple Jai West - Yoshiyuki Morishita est excellent.
Survive Style 5+ fut un temps disponible en DVD en Angleterre chez Manga Video, et reste disponible au Japon, avec sous-titres anglais.
[1] Tous ces exemples sont de doux délires de l’auteur et ne sont pas présents dans le film.
Créée
le 6 déc. 2019
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