Nous ne survivrons jamais, à moins d'être un peu plus fous.

En premier lieu, un rapide avertissement avant que vous ne lanciez le film : attendez-vous à du bizarre, à du surprenant, à du surprenamment bizarre, et à de l'exagérément surprenant. Cependant, derrière l'exagéréé bizarrerie caractérisant le film, ce dernier possède malgré tout un sens général, des explications au pourquoi du comment. Il possède tout autant du style que de la substance - bien que soyons honnêtes, le style prévaut. La suite de ma critique analysera ce sens caché derrière l'opulence colorée des décors et le bizarrement surprenant. Elle sera peut-être plus parlante à ceux ayant déjà vu le film, mais rien ne vous empêche de le lire si vous souhaitez en savoir plus.

Au premier abord, Survive Style 5+ paraît être une expérience complètement délirante, voire même effrayante. Jugez de vous-même, peu de films peuvent se targuer d'avoir :

- Une femme morte qui crache du feu pour allumer la cigarette de son mari ;
- un père de famille dans la quarantaine qui devient définitivement un oiseau suite à une hypnose ;
- une jolie femme imaginant une publicité pour un Internet rapide utilisant des sprinters olympiques pour déterminer qui est le plus rapide sur le terrain en ayant une épreuve d'éjaculation précoce ;
- un homme d'affaires qui répond à un appel "important" de sa femme durant ses heures de travail : "Qu'est-ce qu'il y a ?" demande-t-il, et son visage de montrer une profonde inquiétude lorsqu'il répète les propos de sa femme : "Quoi, les lumières de la salle de bain ne fonctionnent plus ?!"
- un assassin demande à un brocoli cuit quelle est sa fonction dans la vie ;

et ce ne sont que quelques exemples destinés à vous montrer à quoi vous attendre en voyant le film. Toutefois, au fur et à mesure de la progression du film, il devient évident qu'il propose plus de sens que la simple envie de flatter la rétine et la cervelle. Pourquoi lorsque l'homme cherche à tuer sa femme il n'y parvient jamais, mais dès qu'il abandonne cette dernière est vraiment morte ? Pourquoi, lorsque cette même femme cuisine un repas complet pour son mari, il n'en est jamais content, mais à la fin il est heureux d'accepter un simple petit plat d'elle ? Pourquoi la femme travaillant dans le monde de la publicité ne cesse de courir après ses enregistrements perdus, seulement pour s'arrêter alors qu'ils sont à portée de main avec un soupir : "Je suis si stupide" ?

Le film semble me montrer les leçons simples apprises de la vie au cours de ses événements étranges, et tout se lie à la fin. La femme est incapable de satisfaire son mari avec sa cuisine parce qu'elle lui fait ce qu'elle a envie de lui faire, non pas ce qu'il a envie de manger. Plus tard, quand elle adapte sa nourriture à ses goûts, tous les deux semblent plus satisfaits. Au début, l'homme tue de manière répétitive sa femme parce qu'il aime tuer et que c'est ce qu'il est supposé faire : même s'il rate la finalité à chaque fois, il répète sans cesse la même chose encore et encore et encore sans jamais réfléchir. Il ne peut jamais réussir à la tuer simplement car le plus nous désirons quelque chose, le plus dur cette chose semble être à obtenir. Mais dès qu'il abandonne toute intention de l'assassiner, cette dernière part pour l'au-delà pour de bon. Inutile de noter l'ironie. Cet incident démontre également l'inévitabilité des conséquences de nos actions : l'homme a engagé un tueur à gages pour tuer sa femme, et ce simple fait le hante. De fait, l'homme est, de manière (in)directe responsable de la mort de sa femme. La femme publicitaire est une droguée du travail : elle n'a aucune vie personnelle - ou si peu -, et son mari déteste son travail. Le jour de Noël elle se démène de toutes ses forces pour rattraper son retard au travail : alors qu'elle passe au galop les décorations de Noël dans les rues, une révélation semble la frapper, celle d'avoir vécu en vain : en ce jour de célébrations, elle n'a rien à célébrer, et personne avec qui le célébrer. Quant au père de famille-oiseau, il ne s'est pas "transformé" en oiseau juste pour le plaisir. C'est un constat sur la définition de qui nous sommes et ce qu'autrui est : nous devons coexister avec des gens qui sont différents de nous, et cela débute avec l'acceptation de qui nous sommes, et de qui ils sont.

Encore une fois, je ne détaille pas tout le film pour vous laisser le plaisir de la découverte et de la réflexion. Je vais terminer en développant le style visuel foncièrement extravagant du film, festival de couleurs vives, accompagnant à merveille le nombre situations innattendues et exagérées de l'oeuvre. Pourquoi le réalisateur a-t-il décidé de prendre une approche extravagante pour parler de situations courantes de la vie, pourriez-vous vous demander : la réponse se trouve dans la réponse que le personnage de la femme publicitaire donne à son patron critiquant sa présentation hors-norme : "Vous devez faire quelque chose de divertissant. Sinon, les gens ne regarderont pas." Ses patrons la contraignent à faire une présentation bête et allant droit au but, pensant que formater les spectateurs est le seul moyen de leur faire comprendre leurs intentions primaires. Je reste confiant dans le fait que la plupart des gens voyant ce film seront d'accord pour dire que les publicités originales de la femme seraient bien plus efficaces que n'importe quelle publicité classique et ennuyeuse. En prenant la même approche décalée dans son film, Sekiguchi croit en notre capacité à saisir l'essence de ses intentions, et heureusement qu'il existe toujours des réalisateurs croyant dans leur public pour prendre le risque de réaliser une oeuvre si originale.

Un film hors-normes, mais de fait pas pour tout le monde. Probablement ce qui se fait de plus fellinien dans le cinéma contemporain. C'est le seul film que j'ai pu voir de ce réalisateur, attiré avant tout par le toujours excellentissime Tadanobu Asano, mais je serai curieux d'en découvrir d'autres.
BiFiBi
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le 1 nov. 2010

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BiFiBi

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