Depuis un bout de temps "Susie et les Baker boys" me faisait sacrément envie. J'y soupçonnais la même fraîcheur que j'avais pu déceler dans cette pépite méconnue "Veuve mais pas trop", au gré de mes découvertes cinématographiques impromptues. Et la preuve définitive que Michelle Pfeiffer en plus d'être sacrément jolie, avait un réel talent pour la comédie.

Et puis, si on y rajoute les frères Bridges, et une aventure originale à base de Jazz Bars, ambiance lounge, et feutrée, y avait de quoi faire un petit film sacrément sympa.

Et en fait c'est à mon goût assez décevant. D'abord le film est un peu boiteux à mi-chemin entre une comédie classique à l'américaine assez moyenne, et un trip très nouvelle vague, très Cassavetes, où finalement il est moins question d'une histoire à proprement parler que de suivre les errances de nos héros, mais avec tout ce que ça peut impliquer de lenteur, voire d'ennui. Le film est dans le fond assez plan-plan, presque froid.

Et le héros du film, ça n'est pas Beau Bridges, ou Michelle (finalement assez décevante dans son interprétation et dans l'écriture de son personnage, même si elle se donne du mal pour être crédible en chanteuse de bar), mais c'est Jeff, et pourtant on ne s'en rend pas immédiatement compte.

Les Baker Boys, deux frères écument les bars depuis des années, et servent toujours le même numéro, l'un est le chef, toujours avenant, positif et optimiste, le bon américain à la Capra (Beau Bridges donc).
L'autre est taiseux, ne manifeste ni tristesse, ni contentement (au prime abord), toujours en retrait, et c'est Jeff.

Et ça me rappelle à quel point ce bon vieux Jeff à partir de la fin des 80's s'est spécialisé dans ces types de rôle de mec au bout du rouleau, accro à la bibine, qui a raté sa vocation et qui se fout de tout :
De mémoire, j'ai pu le voir comme tel dans le très mauvais "huit millions de façons de mourir" où entre deux fusillades il passait dire bonjour aux alcooliques anonymes, le très réussi "Fisher King" où son personnage ne cesse de s'enfoncer dans les abîmes pour mieux repartir du bon pied derrière, et évidemment au mythique dude de "the big lebowski".

Leur groupe donc, est à la ramasse (à tel point, détail très drôle, que le personnage de Beau se fout une bombe de peinture sur son crâne chauve pour simuler une chevelure), n'attire plus les clients, et finit par être sous-payé par les tenanciers des divers clubs où il passe.. Du coup il s'agit de redonner un coup de fouet à l'entreprise familiale, en recrutant une chanteuse.

On a donc là une scène de casting absolument pas originale, vue et revue, avec un défilé de casseroles, et comme par hasard, la nana qui arrivera en dernier, avec deux heures de retard au moment où les frères commencent à ranger leurs affaires, ça va être Michelle, vulgaire et désinvolte, qui va réussir à s'imposer à la "surprise" générale. C'est donc très très prévisible, et c'est pareil pour ce qui suit, on est dans les mêmes sentiers balisés et hyper balisés. En plus, bon, on ne peut pas dire que ça soit la chanteuse du siècle, malgré ses efforts indéniables, sa voix est particulièrement fluette et même d'un point de vue musical (alors que c'est quand même l'immensément talentueux Dave Grusin qui a composé la BO), c'est assez plat, car très scolaire : en gros une scène = une chanson.

Et Michelle est bizarrement assez fadasse dans ce film, elle ne dynamite absolument pas l'histoire, alors qu'elle est sensé être le piment qui apporte un peu de révolution là-dedans, et qu'en plus elle va être la cause de la cristallisation de doutes de plus en plus profonds chez le personnage de Jeff Bridges qui est le plus intéressant des trois, car le plus en marge et finalement le plus rebelle et le plus imprévisible.

Et je pense à une très belle scène, où on voit tout le potentiel du film, et de son personnage, finalement sous-exploité. Michelle le suit discrètement, elle ne comprend pas pourquoi il est si distant, si froid, si malheureux (sans l'avouer), elle le trouve dans un bar, pour la première fois seul, il joue au piano, il est extatique, totalement concerné, loin de son frère, il embrasse au moins virtuellement la carrière dont il avait toujours rêvé et qu'il n'aura jamais, obligé de soutenir l'entreprise de son frère dans laquelle il est coincé, et il est heureux. Son visage se referme immédiatement dès qu'il recroise celui de Michelle.

Bref, dommage, Susie et les Baker boys, n'est pas un mauvais film loin de là, mais il est trop classique, trop mou (certains scènes sur la fin sont interminables), trop plan-plan pour emporter vraiment ma conviction. Mais c'est un film assurément subtil et intelligent.
KingRabbit
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Journal du roi lapin - Films (2013)

Créée

le 16 juin 2013

Critique lue 2.2K fois

11 j'aime

8 commentaires

KingRabbit

Écrit par

Critique lue 2.2K fois

11
8

D'autres avis sur Susie et les Baker Boys

Susie et les Baker Boys
Black-Night
7

Critique de Susie et les Baker Boys par Black-Night

Susie Et Les Baker Boys est un bon film. Une comédie romantique pleine de charme avec un trio attachant, en hommage aux losers du showbiz. Les beaux jours de Jack et Frank Baker, deux frères...

le 25 avr. 2016

7 j'aime

4

Susie et les Baker Boys
Boubakar
8

Une bombe dans leurs vies.

Susie et les Baker Boys est ce que j'appelle une excellente découverte. J'entendais souvent parler de ce film, de performances majeures, et durant la période où les films sur la sagaHarry Potter...

le 14 févr. 2015

3 j'aime

1

Susie et les Baker Boys
JjMyJjCin34
8

Fallait bien relever la note communauté !

D'accord c'est pas un grand film, et il y a tant de films autour du Jazz ou biopics, qui nous intéressent à la salle au piano au bar aux paumés aux histoires sombres et perdues ou souterraines du...

le 14 août 2023

1 j'aime

Du même critique

Les 8 Salopards
KingRabbit
8

Peckinpah Hardcore

Le film va diviser... Encore plus que d'habitude pour du Tarantino, mais sur le plan moral essentiellement, là où les précédents Tarantino décevaient également sur la forme, avec des films...

le 25 déc. 2015

259 j'aime

26

Batman & Robin
KingRabbit
9

Pourquoi j'aime (sincèrement) "Batman et Robin"

Je vois bien ce petit jeu qui consiste à se moquer plutôt méchamment et bassement de ce film en tournant en dérision tous ses côtés un peu débiles volontaires ou non. Mais j'aime vraiment bien Batman...

le 16 juin 2013

163 j'aime

25

Battle Royale
KingRabbit
7

Souvenirs de collège

Je me souviens, il y a une douzaine d'années, quand je n'étais qu'un collégien d'1m57, de la salle de perm, à la cour, jusqu'aux couloirs étroits menant au réfectoire, se murmuraient avec insistance...

le 8 sept. 2013

120 j'aime

5