Alors, comme cela, Les Enfants du Temps était décevant ?
Qu'est-ce qu'il ne faut pas lire parfois...
Parce qu'il faudra donc y réfléchir à deux fois, pour certains, avant d'aller voir Suzume : car le film reprend le motif de l'irruption de la magie dans le quotidien, avec les traditions et bestiaires shinto qui y sont attachés, ainsi que celui de la destruction d'un pays par les phénomènes naturels qu'il subit.
Mais cette fois-ci, Makoto Shinkai fait emprunter à ses héros la voie du road movie atypique à l'énergie revigorante, où le crush initial enchaîne sur une relation aussi truculente que zinzin, puisqu'une chaise prend littéralement vie pour composer l'un des personnages les plus originaux en matière d'anime récents. La relation n'en acquiert que plus de relief, tout en épousant une dynamique nouvelle chez le réalisateur, alternant entre situations cocasses, moments de gravité et instants volés d'attendrissement.
Le road movie, lui, est le prétexte pour une visite d'un pays qui oscille entre la campagne et l'hyper urbanisme, l'abandon de villages entiers en ruines rendus à la nature, et la nécessaire et inéluctable reconstruction cyclique. Suzume visite ainsi à plusieurs reprises de véritables lieux de mémoire où, pour refermer les véritables boîtes de Pandore que constituent ces portes ouvertes sur un monde éternel, il faut se laisser envahir par toutes ces voix anonymes, ces réminiscences d'empreintes du temps et de souvenirs heureux.
Cette odyssée met aussi en avant tant les toujours aussi magnifiques décors, chatoyants, superbes et poétiques, que nombre de seconds rôles immédiatement attachants et au cœur gros comme ça, appelant à l'entretien du lien entre les individus, ceux qui font face ensemble et pansent leurs plaies à l'unisson.
Mais le voyage de Suzume est aussi une plongée dans l'intime d'une adolescente suivant son cœur contre toute logique, que ce soit dans une relation sentimentale naissante et dans ce qu'elle a de plus touchant, ou dans les blessures d'une enfance mise en couleurs dans toute sa détresse et les difficultés des relations entre fille et mère de substitution.
C'est à travers cette double quête que Makoto Shinkai trouve une fois encore la formule magique et fait littéralement chavirer de bonheur et de tristesse le cœur du spectateur, même s'il réutilise nombre de ses thèmes de prédilection et schémas d'écriture.
Mais ce très léger défaut n'empêche nullement l'artiste nippon d'animer sur grand écran un nouveau séisme émotionnel, doublé d'un véritable festin de chaque instant pour les yeux, qui ravira le cœur et l'âme de celui qui ne rechignera pas au merveilleux d'un conte fantastique dans tous les sens du terme.
Behind_the_Mask, qui, pour une fois, ne s'est pas fait claquer la porte au nez.