Je lis de nombreuses critiques parlant de Sweet Country de Warwick Thornton comme d’un western australien. Je voudrais m’inscrire en faux pour cette catégorisation.
Le Western est la représentation de l’Ouest (américain, le plus souvent) par le colonisateur, le colonisé, l’indien est le plus souvent le sauvage, l’ennemi.
Dans Sweet Country, c’est le colonisé qui se retrouve derrière la caméra. Warwick Thornton est un réalisateur aborigène né à Alice Springs. Sa vision du monde est celle d’un aborigène avec sa culture et ses mythes. Sweet Country est son troisième long métrage de fiction. La plupart de ses films, des courts et des documentaires, ne sont pas distribués en Europe. L’hémisphère Nord a tendance à nier l’existence cinématographique de la moitié de la planète.
Pourtant dans sa carrière de réalisateur Warwick Thornton a eu de la chance son premier long, Samson et Delilah a été remarqué et a remporté la caméra d’Or du 62ème festival de Canne sélectionné dans Un Certain Regard.
Certes Sweet Country emprunte au genre western : les paysages désertiques, la terre rouge, les éleveurs de bétails, la justice expéditive, les indigènes sauvages mais la construction du récit n’est pas née dans la tête d’un occidental.
La notion du temps n’est pas identique dans toute les sociétés.
Les aborigènes vivent le temps du rêve du grand serpent arc-en-ciel, une réalité propre dont les concepts et les valeurs sont radicalement différentes de ceux de la civilisation occidentale.
La narration peut donc sembler déroutante à l’œil non averti mais il faut se laisser embarquer dans le temps du rêve. C’est du moins ainsi que j’ai appréhendé le film.
Sweet Country nous raconte un pan sombre et violent de la colonisation australienne. Ce temps n’est pas si lointain et les cicatrices sont toujours présentent en Australie.
Un très beau film remarquablement interprété que ce soit par Bryan Brown, le sergent Fletcher ou le pasteur joué par Sam Neill mais aussi les rôles aborigènes, qu’ils soient interprétés par des amateurs comme le petit Philomac ou encore Hamilton Morris qui interprète un Sam Kelly tout en retenu.
On peut remarquer que Warwick Thornton n’a pas fait appel à David Gulpilil, la star des acteurs aborigènes visible généralement dans tous les films où un aborigène apparaît mais donc a des acteurs méconnus dans l’hémisphère nord.
Un film beau et violent à l’image de l’Australie que j’ai beaucoup aimé.