Le postulat de Sweet Movie : montrer, mais prétendre à la parodie. Enfin, ôtez ce masque et assumez ! Il y a cent mille façons de le dire, celle-là est la plus directe : Sweet Movie se cache derrière les dénonciations sociales ou idéologiques pour pratiquer de l’expérimentation trash. Ce masque est dérangeant dans ce contexte car il sert une complaisance pour la régression, entassant les provocations infantiles poussées à leur terme.
Sweet Movie est un pur film de hippie, aile libidinale, ne tolérant que la logorrhée ; dans cette optique, sa nature de foutoir général est cohérente puisque c’est une expression de l’audace et de la victoire de ses impulsions, contre toutes les oppressions formelles parcourant les esprits. Il reprend d’ailleurs les slogans de 68 (« soyons réalistes (camarades) demandons l’impossible ») et dénonce simultanément le communisme dévoyé, à l’idéal déchu (les communistes ont dès le départ vu en Mekevejev un ennemi, à raison) ; et le capitalisme libéral, en entretenant un parallèle avec les deux, puisque chacun est en interaction avec le triomphe du trivial, à la fois récupérateur, promoteur et initiateur. Globalement, il s’inscrit à merveille dans l’atmosphère des 70s, à la fois folles et désespérées, agressives et exaltées : dans tous les cas, transgressives ou contestataires ; et notamment marquées par une libération sexuelle engendrant des spécimens sans égal dans la dépravation ou le goût du scandale.
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Passée la première demie-heure, le film dans l’abandon complet et rotatif, dans le champ des dégénérés, avec blasphèmes à tous les étages pour dissiper la petite gamine catholique importée. Mekevejev se consacre à une montée dans le non-conformisme obsessionnel et l’anti-contrôle. C’est aussi un rejet de tout idéalisme et aspiration à la vérité.
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Cette dissidence à la morale commune consiste finalement à accumuler, comme des animaux sans gouverne, comme des enfants vaniteux et stupides car exclusivement définis par l’objet extérieur et les lourdeurs les plus évidentes de la condition humaine.
Ce n’est pas une rébellion. C’est un refus de sortir de la couche maternelle et du liquide symbiotique à l’intérieur duquel nous pouvions flotter près des déjections en tous genres tout en étant dépossédés de nous-même, simples boules de chairs et fabrique à fiente purulente dans l’harmonie et la toute-puissance de la non-conscience exaltée.
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